Un petit compliment bienveillant

On ne choisit pas nos collègues et ils ne nous choisissent pas non plus. Pourtant, nous passons bien souvent plus de temps avec eux qu’avec notre famille, nos amis. Il y a pléthore d’articles sur la gestion de projets, sur le management mais qui va nous apprendre à bien vivre avec nos collègues ? Le bon sens ? Les bonnes manières ? Les trucs de team building ? La loi du plus fort ?

Un vendredi de décembre, il y a de cela quelques années alors que j’étais en formation dans une galerie d’Art Moderne et Contemporain, mon maître d’apprentissage, reconnu pour sa simplicité et sa sympathie, me fixa du regard et commença à m’expliquer : « Sébastien, il y a une chose que j’ai appris pendant mes 50 années de carrière. Je crois que cette chose m’a aidé à me rendre agréable pour beaucoup de personnes avec qui je travaillais au quotidien. C’est une discipline à laquelle j’essaye de m’astreindre tous les jours : avoir une attention tous les jours pour chacun de mes collaborateurs et cela au niveau personnel. Cela peut concerner une nouvelle coupe de cheveux, une chemise, ce qu’ils ont fait le week-end… Peu importe, en fait, du moment que la démarche est bienveillante. »

Pour être honnête, j’ai mis un certain nombre de mois avant d’appliquer sérieusement ce conseil. Je l’ai d’abord mal vécu comme une contrainte dure, froide et manipulatrice. Mais semaine après semaine, j’ai vu des détails évoluer et une légère amélioration de la convivialité s’installer malgré les pressions et les contraintes fortes de mon travail à l’époque. J’ai constaté aussi que cette démarche n’était pas de la manipulation : je ne cherchais pas à me faire aimer mais j’apprenais à être aimable. Libre à chacun d’être sensible aux attentions faites ou non.

En pratique

J’ai testé cette technique dans plusieurs conditions et elle m’a toujours permis d’améliorer les relations avec mes collègues. Aujourd’hui, je vous propose donc à mon tour cet exercice mais avec un peu plus de précisions dans les consignes.

  1. Essayez d’avoir une attention pour chacun de vos collaborateurs / proches chaque jour (ou chaque semaine, si cela vous semble trop) ;
  2. Restez naturels ! Il faut parfois faire des efforts pour trouver quelque chose à dire mais l’important c’est avant tout d’être sincère. Adaptez au maximum cet exercice à votre personnalité !
  3. Faites-le en secret. Crier sur les toits que vous faites cet effort ne sera que contre productif ;
  4. Soyez patients. Il faut du temps pour que les résultats se voient ;
  5. Mais : variez les heures et les compliments. Ne rentrez pas dans la routine du compliment de 13h37, il faut que cela reste fluide ;
  6. N’hésitez pas à vous faire aider d’un outil de liste des tâches ;
  7. N’attendez rien de direct en retour, donnez sans retour.

Le crash-test

Remarquez les détails sans être lourd demande un peu de pratique et pas mal de subtilité. Cela vient avec l’expérience et les erreurs. Pour vous aider, voici quelques éléments de mon crash-test :

  1. Complimenter le vernis à ongles, c’est bien. Plusieurs jours de suite, il se peut que votre collègue finisse par croire que vous faites une fixation ;
  2. Remarquer qu’un collègue a perdu du poids, c’est une bonne idée. Mais évitez quand même tout commentaire sur les formes physiques… Cela vous évitera des réponses du type : « tu as quelque chose à me demander : j’ai pris 7 kilos ». Préférez le « tu as bonne mine ».
  3. Complimenter un changement de coupe, c’est toujours efficace. Et puis généralement personne ne va chez le coiffeur toutes les semaines ;
  4. Mettre en valeur le physique : c’est dangereux. Chacun à sa propre perception de son corps. Cela évitera également que vos collègues croient que vous êtes en train de draguer ;
  5. Penser à proposer de faire le café pour vos collègues, c’est agréable. Mais évitez de le renverser sur leur clavier ;
  6. Aller chercher le crayon que sa collègue vient de faire tomber sous le bureau, c’est bien intentionné. Mais, par pitié, vérifiez que celle-ci ne soit pas en jupe…

Bilan

Avec le temps, ces petites attentions se sont transformées pour moi en réflexe que j’ose espérer bienveillant. Il faut de la persévérance au début et un peu de créativité mais le plus important est d’avoir l’envie de faire de son environnement de travail un lieu où il fait bon vivre.

Bon courage et n’hésitez pas à partager vos expériences et résultats dans les commentaires ou sur twitter en me mentionnant : @desbenoit.

10 commentaires sur cet article

  1. Culbur, le dimanche 8 décembre 2013 à 10:07

    Je plussoie la démarche,

    j’avais un collègue avec qui ce n’était pas la grande entente et un petit « salut ducon, tu va bien ? » chaque matin a été très efficace.
    Aujourd’hui on ne se parle plus du tout et ma vie en est grandement facilitée.

  2. tetue, le dimanche 8 décembre 2013 à 18:36

    Non, ce n’est effectivement pas de la manipulation, mais de la simple bienveillance. C’est du désamorçage de tensions potentielles. L’autre peut être tendu, timide, stressé, que sais-je encore ! Commencer par un mot gentil, un « stroke positif » et une façon de rassurer, de rappeler qu’on est en situation pacifique, ce qui n’est pas une évidence pour chacun, au regard de sa propre expérience de vie. Et oui, tout va mieux ensuite ! Merci pour ce rappel !

  3. Stéphanie, le lundi 9 décembre 2013 à 12:40

    Joli article. En pratique, à voir la réaction en face. Mes anciens collègues notaient les moindre détails physiques (nouvelle chaussures, coupe de cheveux) et me le faisaient remarquer à chaque fois, je sais que ça me gonflait à force, genre « il ont rien de mieux à faire que fixer sur mes changements d’apparence ? »
    Je préfère largement une remarque sur mon boulot que sur la tête que j’ai le matin, ou un petit mot rigolo sur mon écran. La technique « faire le café » par contre approuvée à 100% :D

  4. fabien, le lundi 9 décembre 2013 à 13:18

    J’aime beaucoup, et je prends note !

    Au passage, je profite que le sujet soit abordé pour vous présenter ceci, https://github.com/dahfazz/openspacemanifest, en espérant recevoir vos futurs contributions.

    Bisous !

  5. zoontek, le lundi 9 décembre 2013 à 15:02

    Visiblement les Parisiens (où je ne sais pas où) ont de GROS problèmes de relations sociables.
    L’article fait plus peur qunautre chose…

  6. bmenant, le lundi 9 décembre 2013 à 15:28

    J’approuve totalement ton point de vue : bien vivre avec ses collègues est essentiel (et pas toujours évident).
    Tout est affaire de savoir-vivre, de spontanéité (la todo-list me fait un peu peur… un remède est aussi un poison (Pharmakon)), d’(auto-)éducation, de mesure (il ne s’agit pas de se faire des amis intimes) et de disponibilité.

    Le retour d’expérience de @Culbur m’a fait penser à la série The Office de la BBC. :-)

  7. Rudy, le lundi 9 décembre 2013 à 19:44

    Je découvre chaque jour ici les relations de travail entre collègues en Californie, et c’est très surprenant, parce que ce type d’attitude est très ancré dans la culture ici, voire obligatoire.

    Pour reprendre ton exemple, si je vais me faire couper les cheveux, je peux être sûr que quasi-tout le monde va m’en parler le lendemain, et soit dire que « ça me va bien » s’ils le pensent, ou sinon, juste que « c’est bien parce que c’est important de changer » par exemple. ;)
    Le jour où j’ai emménagé dans mon nouvel appart (les gens savaient que ça ne se passait pas terrible à l’hôtel où j’étais), tout le monde a pensé à me demander si j’y étais bien, et ce que j’allais mettre comme meubles, etc…

    Je pense que ça ne vient pas du fait que « les Américains sont plus gentils », comme beaucoup de Français qui arrivent ici le proposent, je pense simplement que l’entente au travail est un objectif beaucoup plus critique pour les Américains que pour les Français, qui jugent plus facilement le succès d’une entreprise uniquement sur son résultat financier.
    (cf « triple-bottom-line » si vous ne savez pas ce que c’est, c’est un concept culturellement très américain, mais plein de bon sens et relativement applicable en France)
    Les conséquences sont positives, mais aussi un peu négatives : en France, pour garder leur emploi, les gens se doivent de travailler bien ; ici, ce n’est pas suffisant, il faut travailler bien ET être attentioné avec ses collègues.

  8. Delphine M., le dimanche 15 décembre 2013 à 10:44

    J’apprécie cet article parce qu’il met en avant des choses importantes que notre culture à tendance à oublier.
    Après, je pense que si on gardait juste à l’esprit la bienveillance (envers soi, envers les autres), on n’aurait pas besoin des règles que tu évoques.
    Ça me paraît plus sain et plus naturel.
    Mais si certains ont besoin d’expérimenter ces règles pour sentir la bienveillance, alors hop :)

  9. tetue, le samedi 8 mars 2014 à 10:55

    À la relecture, notamment du conseil de se « faire aider d’un outil de liste des tâches », ça me rappelle un dev qui, en ayant marre des reproches de sa copine pour son inattention, s’était programmé des tâches pour penser à lui dire des mots attentionnés. J’ai trouvé ça à la fois cocasse… et flippant qu’il ne parvienne à y penser de lui-même.

  10. Le bienveillant, le vendredi 6 juin 2014 à 13:26

    Excellent article ! On va le mettre sur notre site (dont l’objet est (entre autres) de se s’envoyer des messages bienveillants entre collègues.