Passer de l’autre côté du bureau dans une salle de cours

J’ai toujours plus ou moins détesté l’école. 90 % des matières ne m’intéressaient pas et je n’avais qu’une hâte : que ça se finisse. J’étais un élève qu’ils qualifiaient de « moyen », « qui a des compétences mais ne les exploite pas », essayant d’avoir toujours au moins la stricte moyenne pour m’assurer les passages de classe au fil des années.

Ces matières ne m’intéressaient pas car je n’en voyais pas l’utilité. Ainsi m’est-il déjà arrivé de demander aux professeurs de sciences (maths, physique, chimie) « d’accord, mais à quoi ça sert ce qu’on fait ? » et évidemment, pas de réponse. Pour moi qui aime comprendre comment fonctionnent les choses pour les assimiler, c’était plutôt compliqué. Et puis j’avais déjà un petit côté troll (oui, déjà à l’époque…) qui ne facilitait rien.

Partant de ce constat, je me suis toujours dit qu’un jour j’essayerais de changer ça, à ma manière. C’est pourquoi j’ai répondu positivement et spontanément à un appel d’un ancien professeur du DUT que j’ai suivi (SRC) : il cherchait des personnes issues du milieu professionnel pour venir partager leurs expériences sur à peu près n’importe quel sujet aux deuxièmes années de la promotion.

Les sujets que j’ai abordés : qu’est-ce que le Web a à nous offrir en termes de veille et de « réseautage », et comment préparer son portfolio / CV en vue d’un entretien d’embauche ?

  • Pour le Web, j’ai fait un bref rappel de son histoire : le web dit « 1.0 » puis sa « mutation » en web dit « 2.0 » (des termes pompeux de commerciaux, mais bon, c’est comme ça).
  • Pour la veille, présentation de topblogs pour s’assurer un minimum de veille selon notre préférence au graphisme ou au développement (The Verge, Engadget, TechCrunch, CSS-Tricks, Abduzeedo, Smashing Magazine, et j’en passe).
  • Pour le réseautage, explication du fonctionnement de Twitter, Github, dribbble. J’ai survolé Behance et leur ai rappelé qu’avoir un bon réseau proche de soi peut faciliter énormément les choses.
  • Pour le dernier point, j’ai rappelé que les développeurs en devenir n’ont pas à se forcer à faire de design s’ils ne savent pas en faire, d’utiliser les grid et les différents .js à inclure d’office dans son code (selectivizr.js, html5shiv.js). Je leur ai rappelé de proposer un code au moins valide W3C. J’ai lancé des termes tels que OOCSS, DRY, LESS, Sass (sans entrer dans les détails, j’aurais perdu mon auditoire et je n’aurais pas eu le temps) et des rappels sur les grandes grandes lignes d’HTML5 / CSS3. J’ai également rappelé aux graphistes de suivre les tendances tout en gardant leur propre identité, mais de ne pas forcément réinventer des codes déjà établis par d’autres. Une parenthèse ouverte pour rappeler que les plugins « wahou » de type sliders 3D sont absolument à éviter et j’en avais fini.

En gros, ça donnait ça.

Concernant l’expérience en elle-même, je ne suis pas vraiment à l’aise à parler devant 30 personnes. Mais je me suis rendu compte que quand on est passionné par ce dont on parle, les mots arrivent très naturellement. La difficulté consiste néanmoins à ne pas faire du hors sujet et se cantonner le plus possible au sujet qui nous concerne.

Voici comment j’ai géré cette affaire :

Cela faisait deux mois que je préparais un .doc avec tout mon beau discours. J’avais avant, naturellement, créé un plan en trois parties sur les sujets qui me semblaient intéressants. Plan qui a évolué en fonction de mon écriture. Ce n’était pas forcément une bonne idée, mais plus j’avançais dans certains sujets, moins je me trouvais pertinent.

Ensuite, j’ai créé un nouveau .doc, avec mon plan et des phrases clefs, qui a été mon fil conducteur.
C’est ça le protip : ne pas lire son cours devant les élèves, préférer lire plutôt les mots clefs qui font référence au premier .doc. Lors que l’on a travaillé le sujet, normalement les mots viennent assez naturellement. Je n’avais donc pas, avec ces préparations, d’angoisse réelle créée par « je ne sais pas ce que je vais leur dire une fois devant eux ».

Il n’y avait pas de présentation type PowerPoint. Pas de secret ici : d’une part, une énorme flemme, d’autre part ça m’a toujours saoulé d’en voir. J’ai préféré opter pour une présentation en direct (sur rétroprojecteur) avec visite des sites dont je parlais. Ça crée plus de mouvements dans votre présentation, donc vous perdez moins l’attention des personnes en face de vous, alors qu’un powerpoint statique, les personnes le regardent, il ne se passe rien et elles peuvent très vite être ennuyées.

Important : avoir une montre, une horloge tout le temps visible pour surveiller son temps. Il n’y a rien de plus ennuyeux, et de pire, que de rallonger une partie de votre démonstration, et ensuite devoir en couper une autre pour finir dans les temps (pour info, ma présentation a duré 1 h 30min pour trois classes différentes). La montre est importante pour pouvoir, toutes les 10 ou 20 minutes, faire revenir leur attention (merci les conférences TED). Une petite vanne, une connerie à dire, un changement de ton de voix et ça repart.

Avec moi, j’avais ma tablette (Google Nexus 7) avec mon deuxième .doc dessus et je l’avais tout le temps à la main ou à portée de vue pour savoir de quoi il fallait que je parle à la fin de ma phrase. Je ne l’ai pas forcément lue à proprement parler, juste posé mes yeux dessus, je chope un mot qui fait référence au sujet suivant et je repars.

Présentation en direct faite avec mon ordinateur portable branché sur un rétroprojecteur, pas de quoi s’éterniser sur ce point-là.

Une fois sur place, la petite astuce est d’avoir une voix qui porte et assez forte. Ne pas hésiter à la pousser un peu en cas de dissipations des élèves, histoire de leur rappeler qu’il ne doit y avoir qu’une seule personne qui doit parler. Si vous avez une voix fluette qui ne porte pas, semblable à un murmure, c’est un coup à ne pas vous faire entendre et à ne plus pouvoir couvrir le brouhaha des personnes en face de vous. On a tous eu un enseignant comme ça.

Bref, j’ai essayé de ne pas reproduire ce que je voyais assis sur ma chaise au fil de ma scolarité, je suis parti du principe que ce que je n’aimais pas, d’autres élèves ne l’aimaient pas non plus.

Cette expérience était donc très instructive pour moi, pour ma façon de parler, de partager mon expérience, de leur transmettre le message que j’avais à leur transmettre. Maintenant je sais que je suis capable de tenir 1 h 30 min sur un sujet que je connais et c’est déjà pas mal.

Les premiers retours sont plutôt positifs, on m’a plus ou moins soumis l’idée qu’il y aurait une deuxième session un peu plus tard. Eh bien, pourquoi pas !

5 commentaires sur cet article

  1. Nico, le lundi 17 décembre 2012 à 09:25

    Héhé, revenir de l’autre côté du bureau est une expérience sympa, j’y suis retourné également quelques années après, et dans un DUT SRC aussi. :)

    Effectivement, le stress est moindre :

    - Le sujet est maitrisé et comme tu le dis, quand on est passionné, on a en général pas de mal à faire passer cette passion.
    – Il y a une grosse différence de niveau, imaginez-vous sortant des études et 5 à 6 ans après et comparez. En temps Web, c’est énorme.
    – l’auditoire est assez réceptif (même si c’était moins le cas quand j’y étais), pour peu que votre propos soit du concret, du pratique : la plupart des étudiants écoutent.

    Et même s’il y a opposition avec une forte tête (y a toujours une grande gueule dans les promos), c’est assez rigolo en général.

    J’en avais un qui m’avait sorti qu’aller autant à fond sur CSS et la qualité Web était absurde (alors que j’expliquais que sans investissement perso, point de salut), je me souviens lui avoir sorti : « Je suis pas là pour te dire ce que tu as envie d’entendre, mais pour te dire ce que tu as besoin d’entendre. Si tu crois qu’on devient inté sans investissement personnel, tu vas en ch… mon coco ! ».

    C’est d’ailleurs à ce genre d’occasions qu’on se rend compte de tout ce que l’on a appris en quelques années. :)

  2. Thibault, le lundi 17 décembre 2012 à 15:07

    « Cela faisait deux mois que je préparais un .doc » Et leur as-tu parlé de l’importance de l’open-source et des standards ouverts ?

    -> sort sur la pointe des pieds

  3. Cyril, le lundi 17 décembre 2012 à 15:54

    Thibaut, j’allais écrire un truc genre « j’en ai complètement rien à foutre d’écrire mon truc sur un .doc ou un .odf » mais non, on va diviser par 0 là \o/

  4. David, le lundi 17 décembre 2012 à 16:25

    @nico
    « Si tu crois qu’on devient inté sans investissement personnel, tu vas en ch… mon coco ! »

    Marrant, j’ai dis exactement la même chose à mes étudiants de licence vendredi dernier.

  5. TOMHTML, le mercredi 19 décembre 2012 à 00:29

    Étant prof moi aussi (de référencement, en DUT info), voici une petite technique qui marche à tous les coups : quand il commence à y avoir trop de bruit, sans changer de ton, glisser une phrase du type « et ce qui suit peut vous faire gagner beaucoup d’argent ». Là, à chaque fois, plus un bruit, tout le monde écoute. Magique !

    Sinon, pour la présentation j’utilise un PDF avec de nombreuses slides (1 clic = 1 paragraphe de slide qui s’affiche). Avec ça on peut être à peu près certain que la présentation s’affichera partout de la même manière, peu importe l’ordi utilisé et s’il a accès à Internet…