Cette empathie dont on pâtit

Vous avez remarqué combien le monde du Design se revendique de la conception centrée utilisateur ? Vous avez remarqué ce nombre grandissant d’agences et de freelances qui revendiquent la pratique de l’UX Design (Design d’expérience utilisateur) ? Le mot « empathie » est sur toutes les lèvres et la « conception centrée utilisateur » prend tous les apparats d’une mode.

Au-delà de la mode on peut concevoir que la démarche empathique ait une certaine légitimité. Certains prétendent même que l’empathie est la matière première de l’UX designer, qu’elle est dans l’ADN de notre profession. C’est aussi une position facile à revendiquer car elle est socialement très valorisante. Soit.

Pour autant, ce qui pose question c’est la force et la fréquence avec laquelle les UX designers revendiquent cette empathie. Il y a un coté absurde à vouloir revendiquer si haut et si fort une évidence immédiatement perceptible.

… et si les UX designers ont autant besoin de revendiquer leur position empathique c’est certainement révélateur des ambiguïtés de la pratique du Design. Lorsqu’on revendique si fort son identité… c’est probablement qu’on a un problème d’identité.

La schizophrénie empathique du designer

L’UX designer conçoit pour et en fonction des utilisateurs, toutefois son intervention reste commanditée par une marque… or il n’est pas dans la nature profonde d’une entreprise d’être empathique. Non, son ambition première est de créer de la richesse pour elle-même et de se développer. Ses intérêts prévaudront toujours sur ceux d’autrui, y compris sur les intérêts des utilisateurs.

Dans ce contexte beaucoup de marques n’adoptent la conception centrée utilisateur que si elles en tirent un bénéfice.

La marque et l’utilisateur… voilà deux entités dont les besoins, les problématiques et les intérêts souvent s’opposent. Mais alors comment considérer à la fois les intérêts de l’utilisateur et ceux de la marque ? Comment se mettre doublement à la place de l’autre ? Comment répondre aux exigences du commanditaire-payeur, lorsque celles-ci nuisent à l’expérience utilisateur ? Comment préserver l’intégrité d’un design, ses qualités esthétiques et fonctionnelles, lorsque des considérations commerciales ou marketing imposent de les dégrader ? Comment préserver la qualité de la relation à l’utilisateur s’il existe des positions plus rentables à courts termes ?

Ces questions les UX designers se les posent à chaque mission. Elles résument l’inconfort de notre position et soulignent le conflit d’intérêt permanent dans lequel baigne l’UX Design. Cette double posture d’imprégnation c’est notre pathologie professionnelle à nous… la schizophrénie empathique du designer.

Quand l’empathie défavorise l’innovation

L’empathie, sans détailler, c’est la capacité de se projeter dans les émotions de l’autre. Dans le processus de conception centrée utilisateur l’empathie ne se suffit pas à elle même. La position empathique seule n’est pas un vecteur d’innovation. Après s’être mis à la place de l’utilisateur il reste à analyser sa position, et surtout à émettre des propositions d’amélioration.

Quel regard porter sur une entreprise dont l’évolution serait exclusivement pilotée par les besoins et les usages présents de ses utilisateurs ? Henry Ford apportait une réponse très tranchée à cette question lorsqu’il disait : «  Si je n’avais écouté que mes clients, j’aurais inventé un cheval plus rapide. »

L’utilisateur n’est pas concepteur. Il vit simplement son expérience et n’adopte pas spontanément la position de l’innovateur. Il est ancré dans le présent de son usage et ne se projette pas dans ce que pourraient être ses usages futurs.

C’est une attitude passive contrairement à la position active du concepteur qui se donne pour objectif d’innover. Pire, comme l’expérience utilisateur est un processus mémoriel elle est forcement focalisée sur le passé, puisqu’elle s’y réfère.

Alors j’entends et je comprends l’engouement actuel pour la position empathique, mais je mets en garde : l’empathie n’est que le début du processus de conception centrée utilisateur. Adopter seulement la posture de l’utilisateur c’est aussi se limiter à ses capacités, à ses intérêts et à son engagement distancié. Pour innover il faut aller au-delà.

L’empathie ou la dissolution du moi

Maintenant, quel regard porter sur une marque, un produit ou un service dont l’identité serait le fruit exclusif des attentes des utilisateurs ?

J’ai une culture de directeur artistique et 15 ans d’expérience dans ce domaine. Je sais l’importance de penser le positionnement d’une marque, d’un produit ou d’un service. Toute ma vie j’ai travaillé sur la cohérence visuelle de mes productions (cohérence des éléments entre eux pour former un ensemble visuel ou architectural logique, structuré et équilibré, puis cohérence de cet ensemble avec son contexte). Le design est une approche systémique, stratégique et descendante.

Par contre la conception centrée utilisateur avec ses itérations rapides est une approche ascendante. Elle tend à améliorer des éléments de manière sporadique sans forcement considérer la production dans son ensemble. La conception centrée utilisateur s’attache à l’usage, pas à l’identité. C’est une frustration constante pour les designers qui connaissent l’incidence de l’identité d’une marque, d’un produit ou d’un service sur la perception des utilisateurs.

Une marque qui, sous couvert d’empathie, laisse l’utilisateur décider de ce qu’elle est… nie son identité. Si vous devenez ce que les autres veulent que vous soyez vous ne serez pas vous-même.

Utilisateurs versus experts

La positon empathique pose souci et ça n’est pas qu’une histoire d’ego. C’est aussi une histoire de qualité. Je m’explique…

S’il y avait un débat sur l’importance de l’empathie il se rapprocherait de celui qui oppose les méthodes descendantes aux méthodes ascendantes. On en viendrait aussi certainement à comparer l’intelligence collective et les compétences expertes.

Alors oui, dans la conception centrée utilisateur et par le biais de l’empathie il y a une forme de transfert du pouvoir décisionnel de l’expert à l’utilisateur. Ça se traduit par une perte de pouvoir pour le professionnel. Aussi, si ce transfert de pouvoir n’est pas préjudiciable au projet il l’est pour l’ego de l’expert. « On s’en fout de l’ego de l’expert » me direz-vous.

Au-delà de ça, la principale critique faite aux méthodes centrées utilisateur est la même que celle faite aux approches ascendantes ou à la conception participative : le travail fourni par les communautés n’atteindrait (conditionnel) pas la qualité de celui fourni par les experts.

Quand les uns parlent d’intelligence collective, les autres rétorquent que l’intelligence ne s’additionne pas en ces termes. Faites plancher dix tocards sans expérience, sans méthode et sans logique… et vous obtiendrez surtout un fort potentiel de connerie collective. De la même manière, le fameux adage issu de la théorie des systèmes qui dit que « le tout est plus que la somme des parties » ne se vérifie que rarement en conception Web.

Autre exemple : observez Lean startup, une approche extrêmement puissante pour construire rapidement un produit/service en itérant directement avec ses utilisateurs. Si vous deviez construire un quartier en mode Lean, vous commenceriez par construire rapidement des logements répondant aux besoins minimum exprimés par les utilisateurs : un sol, des murs, un toit et une porte pour assurer le clos et le couvert du logement. La condition minimum de l’habitat est respectée. Par contre si vous produisez ça à l’échelle du quartier vous avez construit une favela.

En voulant répondre rapidement au besoin minimum de l’utilisateur vous avez livré un produit qui générera rapidement des problèmes de salubrité, de promiscuité, et de violence. Finalement vous avez bien suivi la méthode mais la qualité de vie (ou l’expérience utilisateur) n’est pas satisfaisante.

Dans cet exemple la production s’est attachée à répondre aux besoins conscients de l’utilisateur. Les besoins futurs, non-conscients et non-exprimés, comme une bonne qualité de vie, la sécurité ou la salubrité, n’ont pas été pris en considération. Ils conditionnent pourtant largement la qualité de l’expérience utilisateur.

En Lean comme ailleurs l’expert est aussi là pour, si j’ose dire, préserver l’utilisateur de lui-même. Si l’utilisateur est conscient de ses besoins présents, est-il conscient des conséquences futures de ces choix ? On peut en douter…

Non, la conception centrée utilisateur doit être encadrée par des ressources responsables de la vision du projet. Il faut des visionnaires, il faut des innovateurs, des planificateurs. Il faut des garants de la qualité du produit/service pas seulement pour l’usage présent, mais aussi pour les usages futurs.

La conception Web a besoin de l’empathie pour comprendre les utilisateurs, certes, mais elle a aussi besoin d’experts pour analyser les usages et en inventer de nouveaux, plus efficaces, plus cohérents et pérennes.

Mieux que l’empathie, le pragmatisme

J’espère que vous l’aurez tout de même compris, je ne suis pas un détracteur des méthodes centrées utilisateur. Elles sont même au cœur de ma pratique professionnelle d’UX designer. J’en connais juste les avantages et les inconvénients.

J’ai par contre plus de réticences avec cette revendication constante de l’attitude empathique. Pour moi elle a sa place dans le champ social plus que dans le champ professionnel.

L’empathie est une position émotionnelle en réponse à un stimulus émotionnel. Certes c’est bien vu en société d’être perçu comme empathique, et mal vu de ne pas l’être. Toutefois dans un contexte professionnel c’est bien le rationnel qui doit diriger les actions, les prises de position et les constructions stratégiques. Si on ne pratique pas l’empathie cela signifie-t-il qu’on est un sale égoïste imperméable aux émotions de l’utilisateur ? Certainement pas. Et surtout ça n’est pas sur ce plan que le problème se pose.

La conception centrée utilisateur ne consiste pas à faire évoluer le produit strictement en fonction des désirs exprimés par l’utilisateur. Non, la conception centrée utilisateur est une pratique d’experts. Elle consiste à faire évoluer le produit grâce à l’observation et l’analyse des usages de l’utilisateur. L’utilisateur n’est pas le pilote du projet, il en est le sujet d’étude.

Vous voulez le fond de ma pensée pour finir ? On aura déjà fait un grand pas pour crédibiliser nos professions quand on parlera de conception centrée utilisateur pilotée par le pragmatisme plutôt que par l’empathie.

17 commentaires sur cet article

  1. mulk, le jeudi 11 décembre 2014 à 09:13

    Merci pour cet excellent article. Je sens déjà venir les superbes infographies « annuelles » d’agences de COM remplie du mot « empathie »…

  2. Maxime, le jeudi 11 décembre 2014 à 09:30

    Bel article qui démonte ce buzzword qu’est « Empathy ». Il doit dériver de l’attrait pour le Yoga dans la Silicon Valley.

    Pour moi, l’empathie est un élément de nos pratiques d’UX designer, car oui il faut être empathique avec les usagers que l’on rencontre, observe et interviewe. Il faut être empathique avec nos clients qui ne comprennent pas l’intérêt de confronter leur produit innovant avec la réalité des utilisateurs. Bref, c’est une compétence personnelle pas une méthodologie.

    C’est d’ailleurs ce que j’ai ressenti dans cette article, la méthodologie « Empathique » n’existe pas (ou pas encore), ce n’est qu’un concept et pour l’instant c’est un peu du vent. Du coup, est-ce qu’il existe des méthodologies basées sur ce concept d’empathie ?

  3. Cabaroc, le jeudi 11 décembre 2014 à 10:00

    L’empathie c’est surtout un moyen de recueillir des informations, mais elles doivent être traitées par un professionnel. Le designer use d’empathie pour comprendre les « envies » des utilisateurs, mais ça passe par un filtre, une analyse et une traduction, qui peuvent amener à des résultats très différents de ce qu’imaginaient les usagers, qui n’ont pas les compétences d’un expert.

    Concernant le passage sur le marketing, je pense que les entreprises qui pensent à leurs utilisateurs gagnent des parts de marché. Ça ne va pas de soi pour beaucoup de sociétés et pourtant beaucoup d’entreprises innovantes à succès améliorent le quotidien de leurs clients.

    Ce que je comprends de la phrase d’Henry Ford c’est que justement il faut dépasser les attentes du client pour penser aux utilisateurs. En remplaçant le cheval par la voiture individuelle, Ford innove et améliore le confort des usagés. Pour moi Ford était donc une entreprise qui était pilotée par les besoins des usagés.

  4. Laurent Demontiers, le jeudi 11 décembre 2014 à 10:05

    @mulk > Grosse vague d’empathie dans les cartes de vœux des agences : 3… 2… 1…

    @Maxime > Il existe pas mal d’outils et de méthodes pour co-créer avec les utilisateurs. Tu en trouveras sur http://www.servicedesigntools.org/ et sur http://www.allaboutux.org/

    Plus précisément sur l’empathie, je te laisse expérimenter la « carte d’empathie » qui est un peu délicate à manipuler pour les non-initiés car elle impose des adaptations à chaque projet. C’est aussi délicat pour un marketeux par exemple d’envisager le profilage de ses cibles par le biais des émotions.
    Plus d’infos ici : http://www.innovationgames.com/empathy-map/ et ici http://www.tadpull.com/usability-tools/how-to-use-empathy-map-for-user-experience-mapping

  5. mulk, le jeudi 11 décembre 2014 à 11:10

    Je pense qu’il faut faire attention à ne pas mélanger « empathie », « écoute active », « sympathie »,… bref mélanger outils, savoir, savoir-faire, compétence interpersonnelle, aptitudes intrapersonnelles…

    C’est un peu comme dans les théories sur le management, chacun y va avec ses « Charisme », « Leadership », etc… Alors que pour certains le Charisme (”vec un grand « C ») est plus une aptitude intrapersonnelle que l’on possède ou pas. Pour d’autres, elle se travaille et peut s’améliorer.

    En bref, si l’on pratique l’écoute active sur nos utilisateurs, mais qu’on est incapable de comprendre « ce que l’on entend », de formaliser tous ça (exprimer avec clarté les émotions de l’utilisateur), de faire abstraction de son système de valeurs… on est plus dans l’empathie.

    deux petits articles sur l’empathie :
    http://www.entretienmotivationnel.org/articles/empathie/
    http://www.ithaquecoaching.com/articles/competences-relationnelles-4-faire-preuve-dempathie-810.html

  6. Grégory Copin, le jeudi 11 décembre 2014 à 11:23

    Au delà d’une compétence ou d’une méthodologie, l’empathie est surtout un trait de caractère inné. Nous l’avons tous, à plus ou moins au niveau, ce qui explique qu’il peut être compliqué pour certaines personnes de comprendre les besoins de leurs congénères. On peut travailler son empathie pour faciliter la communication avec certaines profils (de collaborateurs notamment), mais ce n’est pas une tare de ne pas trop l’être. Une personne fort empatique aura tendance à s’accabler en période de stress voire à perdre complètement ses moyens, donc non, ce n’est pas une aptitude plus intéressante que les autres. Tous les profils sont intéressants dans une équipe et doivent être utilisés pour leurs forces et choyés pour tout ce qui pourrait faire ressortir leurs faiblesses. Demander à quelqu’un dont le soi-fort est prédominant de devenir empathique est contre-productif, voire désespéré. Ayez des empatiques dans votre entourage mais ne vous forcez pas à le devenir.

    Si on passe outre le fait que le mot empathie est complètement galvaudé dans ces « nouvelles méthodes », user et abuser d’interviews et de recueils de besoins est très intéressant et à plus forte raison si des utilisateurs finaux sont aussi interogés. Plus que l’empathie c’est d’un réel esprit d’analyse et de synthèse dont l’interviewer a besoin. Ainsi la transmission à l’équipe sera moins filtrée et la plus efficace possible. Viennent ensuite les propositions aux clients qui comme dit plus haut doivent respecter les attentes tout en anticipant les besoins non exprimés. Au final, il s’agit de trouver un juste équilibre entre ce qui est énoncé (les interviews), ce qui rentre dans le buget (le pragmatisme) et une volonté d’aller plus loin mûe par un esprit visionnaire. Donc dire que seul le pragmatisme doit régner est pour moi tout aussi extêmiste que ces méthodes « empathiques ». :)

  7. mulk, le jeudi 11 décembre 2014 à 12:30

    oups… petite correction : « de faire abstraction de son système de valeurs… on N’est PAS dans l’empathie. »

  8. MoOx, le jeudi 11 décembre 2014 à 12:46

    Quand je créé quelque chose c’est parce que j’en ai le besoin. Et souvent en ce sens, les « choses » créés sont souvent mieux que d’autres existantes (ayant un but business).

    Être avant tout utilisateur de sa propre solution ne serait il pas simplement un bon début à tout projet ?

  9. Laurent Demontiers, le jeudi 11 décembre 2014 à 14:10

    @mulk Tout à fait d’accord.

    @MoOx Il y a tous les cas de figures. Parfois il est préférable que le concepteur d’un produit ou service en soit le premier usagé pour bien le concevoir, et parfois pas…

    Doit-on ou peut-on par exemple laisser les bébés concevoir les produits qui leur sont destinés ?

    Le concepteur a aussi ses défauts, en particulier celui de ne pas penser comme l’utilisateur mais comme le concepteur. C’est justement ce qui justifie toutes les méthodes de conception centrées utilisateur.

  10. Maxime, le jeudi 11 décembre 2014 à 14:31

    Ok, mis à part l’empathy map, en quoi les outils proposés intègrent l’empathie comme concept clefs de leurs méthodologies ?
    Comme le suggère @mulk , on peut très bien s’en servir sans être empathique. Ce concept me pose question, peut-être que le livre de Indy Young apportera d’autres éclairage.
    http://rosenfeldmedia.com/books/practical-empathy/

  11. 0gust1, le jeudi 11 décembre 2014 à 14:34

    J’ai longtemps revendiqué un coté empathique dans ma démarche, je pense que je vais arrêter (maintenant que c’est bullshit-hype, et que ça se fait descendre en flammes dans ton article :P).

    Néanmoins, je suis un peu gêné par la première partie de l’article :

    Dans mon environnement pro (UX/UI dans un environnements assez techniques, chez des grosses boites), c’est précisément une grosse part de la plus-value apportée par mon taf : une approche empathique. Comme l’explique très bien Cabaroc, pour moi, c’est « juste » un outil de recueil d’information, une posture d’écoute. Les étapes ultérieures d’analyse, de filtrage et de traductions sont bien entendu capitales (en mode « j’écoute attentivement sans prendre les choses pour argent comptant »). Il m’est arrivé beaucoup de fois de deviner ou de lire des besoins capitaux pour le client dans les non-dits de l’expression de leur besoin, dans les demandes mal formulées. Sans une posture empathique, tout ceci passe à la trappe. En forçant le trait, on peut comparer le travail de conception à une « maïeutique », ou une psychanalyse.

    Enfin, autre chose, dans ton article, tu as une approche que je trouve assez spécifique aux projets avec des composantes « branding », « communication » ou « image » assez fortes. Il y a également des projets où l’aspect « outil »

  12. 0gust1, le jeudi 11 décembre 2014 à 14:39

    … désolé… fausse manip… post parti trop tôt.

    Il y a également des projets où l’aspect « outil », ergonomie, architecture de l’info priment sur les aspects branding/com/image. Et c’est justement là où une approche « avec de l’empathie » prend beaucoup de valeur.

    Enfin, merci beaucoup pour cet article ! Il m’a fait réagir, et je partage (en partie, au minimum) ton énervement avec cette « hype empathique » pleine de bullshit.

  13. ID, le jeudi 11 décembre 2014 à 15:48

    Pas très rationnel en effet le terme « empathie » d’autant moins s’agissant d’un secteur d’activité où on ne voit pas trop comment l’empathie peut s’exercer étant donné qu’il n’y a pas franchement de réelles relations entre le soit disant empathe et le public final, quant à la relation avec le client.… Je ne vois pas ce qu’il y a de particulièrement empathique dans la démarche consistant à se demander ce que le client veut, à l’écouter et à lui proposer quelque chose qui correspond à son attente même s’il ne l’a pas exposé clairement (après tout ce n’est pas son métier). C’est simplement une attitude professionnelle et… oui pragmatique.
    La référence à l’empathie (voire la psychanalyse qui n’a aucune valeur scientifique), ça fait vaguement secte.
    Personnellement effectivement je préfère que l’on parle de pragmatisme, de rationnel, d’ergonomie.

  14. Marie Guillaumet, le jeudi 11 décembre 2014 à 16:18

    Super article, Laurent ! Merci, ça fait bien cogiter tout ça.

    « (La) conception centrée utilisateur doit être encadrée par des ressources responsables de la vision du projet. Il faut des visionnaires, il faut des innovateurs, des planificateurs. Il faut des garants de la qualité du produit/service pas seulement pour l’usage présent, mais aussi pour les usages futurs. »

    Tout à fait ! D’ailleurs la métaphore de la favela est à cet égard criante…

    Du coup, je rebondis sur le commentaire de MoOx : « Être avant tout utilisateur de sa propre solution ne serait il pas simplement un bon début à tout projet ? »

    Je ne pense pas qu’on soit le mieux placé : tu auras forcément un biais, puisque tu sauras comment ta solution fonctionne, d’autant plus si c’est toi qui as contribué à la concevoir et à la développer.

    Tu ne peux pas faire l’économie de faire tester ton produit à des personnes qui ne le connaissent pas du tout pour être sûr que, ce qui te semble logique, compréhensible, facile à réaliser, l’est vraiment.

    Quant aux tests utilisateurs que tu ferais toi-même, comment les prendre en compte sérieusement ? On reste des professionnels habitués aux outils, ce qui n’est pas le cas de nos utilisateurs, nos résultats sont donc forcément biaisés.

    Par ailleurs – je saute un peu du coq à l’âne –, en tant que professionnel qui créé son propre produit, on manque forcément de compétences.

    Personne n’est entier en lui seul : aucun professionnel ne peut se targuer d’avoir toutes les expertises nécessaires pour réaliser tout seul un projet un tant soit peu sérieux.

    Je crois vraiment au fait que l’union fait la force, et plus le projet engagé est ambitieux, plus cela se vérifie.

    Par exemple, dans nos milieux techniques, la direction artistique est souvent considérée comme n’étant qu’une simple « surcouche graphique », comme un « vernis », comme de la « peinture » voire même comme du « coloriage » (autant d’expressions que j’ai entendues), par rapport au bagage technique d’un projet, qui est souvent admis comme étant plus « sérieux » et plus « respectable » que les œuvres de l’esprit découlant d’un travail artistique (snobisme très franco-français soit dit en passant).

    Or, même si tu mets les meilleurs développeurs sur ton projet, et qu’ils construisent effectivement un truc techniquement parfait, le produit ne séduira pas forcément le public qu’il entend séduire, tout simplement parce qu’il n’aura été pensé et réalisé que d’un point de vue précis – celui du technicien.

    Si aucune réflexion sur l’expérience utilisateur et le design (pour ne citer qu’eux) n’a été engagée en amont, on se retrouvera alors avec « l’effet favela », et le produit échouera.

    À mon avis, tout projet sérieux doit être conçu par plusieurs experts, aux connaissances et savoir-faire complémentaires. Sinon, il manquera toujours une brique.

  15. David Larlet, le jeudi 11 décembre 2014 à 23:57

    J’ai répondu chez moi pour cette histoire de Lean et de favelas :
    https://larlet.fr/david/blog/2014/lean-favelas/

  16. Laurent Demontiers, le vendredi 12 décembre 2014 à 08:03

    @Ogust1 > Je trouve ta comparaison avec le travail de conception à une « maïeutique », ou la pychanalyse tout à fait juste. Dans tous les cas il s’agit d’accompagner le client ET l’utilisateur dans un travail de conception. À ceci près que nous devons les faire accoucher d’un bébé qui devra répondre aux besoins de l’utilisateur et du client.
    La prise en compte de ces deux besoins donne à notre métier un rôle de négociateur.

    C’est un autre sujet mais si on observe bien, les meilleurs graphistes et les meilleurs UX sont ceux qui ont les plus grandes aptitudes pédagogiques et capacités de négociation.

    @Marie Guillaumet > J’ai l’impression que la brique manquante dont tu parles (dans les projets uniquement pilotés par le dev) à 3 facettes :

    1) Il manque une prise en compte de l’expérience utilisateur, donc une dimension émotionnelle. Ça passe par l’audit et l’analyse de cette UX, puis par la conception centrée user, et enfin par des phases d’évaluation pour en quelques sortes auditer la nouvelle version du produit. Le cycle de la conception centrée utilisateur est bouclée.

    2) Il manque une vision cohérente du projet pour assurer sa cohérence. J’ai encore en tête cette illustration qui m’a beaucoup fait rire > https://twitter.com/sotak/status/468530655799042049/photo/1

    3) Il manque la prise en compte de l’esthétique, indispensable, car c’est le vecteur influence le plus la perception d’une interface, d’un produit ou d’un service.

  17. mulk, le vendredi 19 décembre 2014 à 09:17

    GROSSE question au passage : dans le cas d’étude UX, l’empathie est-elle liée à l’Ethique (”vec un grand « E »)?
    Si oui, que faire lorsque l’on est mandaté par un client dont l’activité/business manque clairement d’éthique (industrie du tabac, armement,…) ?
    Par exemple (fictif) pour un site d’une marque de cigarette : lors de l’analyse des besoins des utilisateurs, on mesure clairement que 75% d’entre-eux on exprimé le besoin et la volonté d’arrêter de fumer… que faire ? Remonter à notre client que le site est « infaisable », qu’il ferait mieux d’arrêter son business car il va à l’encontre des réels besoins des utilisateurs ?
    Proposer un gros « Call to Action : Abandon de panier si vous tenez à votre vie » dans le shop du client ? Plus ajouter une blog-conseil sur « 100 conseils pour arrêter de consommer nos produits » ?