L’art et la manière de vendre son travail

Ça y est. Ce projet dont vous rêviez est en marche ! Le devis est signé et vous avez donné le meilleur de vous-même. Vous avez rarement été aussi fier de votre travail, et vous êtes impatient de présenter le fruit de vos efforts !

40 minutes de rendez-vous au terme desquelles… le client refuse votre proposition.

La solution de facilité serait de râler contre ce client « qui n’y connait rien. » Mais avant, remettez-vous un moment en question : avez-vous bien fait votre travail ? Je ne parle pas de votre travail de designer, je parle de votre travail de commercial. La qualité d’un projet est-elle suffisante pour qu’il se vende tout seul ?

Savoir vendre fait partie du métier

Nos métiers de travailleurs du web ne consistent pas uniquement à concevoir des projets, ils consistent aussi à savoir les vendre au client.

Il faut présenter votre travail, pas simplement le montrer. Même le meilleur des projets est voué à être rejeté si il n’est pas vendu de la bonne manière. Cela ne sert à rien d’être le designer le plus talentueux du monde si vous ne savez pas convaincre que vous l’êtes.

Attention : le but ici n’est pas de faire accepter n’importe quoi à votre client. Nous partons du principe que le travail a été fait dans les règles de l’art.

Présenter c’est raconter une histoire

Lors d’une présentation, vous soumettez à votre client non seulement son nouveau bébé, mais aussi le résultat de ce pourquoi il vous paye. C’est donc un moment à faire vivre à votre client en sachant animer votre travail. Ne négligez pas cette étape. Sachez attiser la curiosité et l’intérêt de votre audience.

Votre but lors de la présentation de vos projets est de construire un pont émotionnel entre votre travail et l’esprit de votre client. Vous ne vendez pas votre projet comme on vend une brique de lait, mais vous vendez tout l’univers qui va autour.

Imaginez que vous réalisez le site d’une salle de concert. L’unique but de ce site n’est pas d’afficher des horaires, des contacts, un agenda et un plan d’accès. Non, le but de ce site est de permettre à des personnes de passer un bon moment avec des artistes qu’ils aiment.

Sans entrer dans la caricature, ne faites pas que montrer votre projet, faites-le vivre ! C’est une vraie étape de votre travail à ne pas négliger.

Expliquez votre processus

Votre client n’est pas un idiot ! Ça n’est simplement pas son travail de réfléchir à tout cela. Il vous revient donc d’expliquer vos choix, vos décisions et le chemin qui vous a permis d’en arriver là. Vous ne vendez pas un travail fait sur un coup de tête. Vous présentez une solution réfléchie à un problème que vous avez analysé. Le tout grâce à une expertise acquise après des années d’études et d’expériences.

Montrez votre cheminement

N’hésitez pas à expliquer les étapes par lesquelles vous êtes passés. Présentez les concepts de base, les recherches, les études, les analyses qui vous ont amené ici.

Remettez aussi le contexte en place en début de séance, (re)définissez le but de cette rencontre et ce qui a été discuté lors de la dernière. Un rapide « précédemment dans… » aidera la continuité de votre projet et de votre présentation.

Préparez le terrain pour montrer à votre client que ce que vous allez présenter est basé sur des décisions réfléchies et/ou des validations antérieures.

Décomposez et expliquez pourquoi

Le lever de rideau pour éblouir le public est une excellent technique quand on s’appelle Tony Stark ou Apple. A votre plus modeste échelle, prenez plutôt le temps de décomposer les décisions qui ont conduit à ce résultat. En présentant tout de suite le résultat final, vous confronterez votre client à tous les paramètres en même temps, inclus ceux qui ne lui plaisent pas.

Sortez de leur contexte les éléments clés tels que la couleur, la typographie, la composition, la grille, etc. afin d’expliquer chaque décision séparément. Il vous sera alors beaucoup plus facile d’obtenir une validation globale du projet si vous avez démontré la valeur de tous les éléments précédemment.

Un grand « OUI » arrivera beaucoup plus facilement après une série de « OK. »

N’ayez pas peur de ne présenter qu’une seule option.

Vous connaissez peut-être l’adage « Trop, c’est comme pas assez. » Il s’applique particulièrement bien à la présentation client. Ne justifiez pas votre travail par la quantité mais par la qualité.

Votre job est de trouver la meilleure solution possible à un problème. Venir avec 5 options différentes peut sembler une bonne manière de montrer que vous avez beaucoup travaillé, mais ça n’est pas un gage de qualité. Non seulement vous bombardez votre client d’options inutiles, mais en plus vous augmentez drastiquement vos chances de finir avec « un mélange de la version 1 et 3 mais avec les couleurs de la version 2 et la typo de la 5. » Je suis certain que vous avez déjà vécu ça et tout aussi certain que quelque chose est mort en vous en entendant ça ! Rappelez-vous que votre client vous a mandaté pour faire ces choix, soyez à la hauteur de sa confiance.

Les choix que vous faîtes sont le résultat de vos formations et de votre expérience, il ne s’agit pas de choix arbitraires ni subjectifs. Il est donc de votre devoir de présenter ce que vous pensez être LA meilleure solution.

Cela ne veut pas dire travailler sur une seule piste. Cela veut dire sélectionner le meilleur choix pour votre client.

Apprenez à dire non

L’adage « le client est roi » date de l’époque Mad Men… Et c’était il y a 50 ans ! Cette époque est révolue, même pour les fans les plus ardents de Don Draper.

Votre vie de designer va grandement s’améliorer quand vous aurez découvert que vous avez le droit de refuser quelque chose à votre client.

Ça n’est pas une question d’ego, mais simplement de toujours faire votre travail de la meilleure manière possible. Il ne faut donc pas hésiter à remettre votre interlocuteur dans le droit chemin quand vous pensez que ce qu’il propose ne va pas dans la direction du projet. Votre but n’est pas de faire plaisir au client et encore moins de faire quelque chose de joli « pour votre portfolio. » Votre but est de faire quelque chose qui corresponde aux objectifs fixés. Et c’est ça que vous devez toujours avoir en tête, quitte à ce que cela ne fasse pas plaisir à votre client.

Je reprend les mots de Mike Monteiro : « Vous n’êtes pas là pour devenir l’ami de votre client. » Si vous le devenez c’est tant mieux mais la qualité du projet passe avant tout.
Attention tout de même au pendant inverse : ne prenez pas votre client de haut. Vous êtes le pro dans votre domaine mais il est l’expert dans le sien.

Soyez très exigeant avec vous-même

Vous voulez confirmer à votre client qu’il a bien fait de travailler avec vous ? Agissez comme un vrai professionnel. Avoir un métier « créatif » n’est pas une excuse pour vous comporter comme un amateur.

  • Arrivez à l’heure : montrez à votre client que son temps est aussi précieux que le vôtre. Prévoyez du temps de battement pour le trajet (retards, embouteillages) et du temps pour vous perdre si vous allez pour la première fois chez le client.
  • Relisez vos textes : une faute d’orthographe dans le titre d’un site web sur l’écran géant de la salle de conférence ne fait jamais bon genre. (je parle d’expérience : j’ai déjà présenté un logo avec une faute d’orthographe dans le nom de l’entreprise… je confirme que vous passez pour un idiot)
  • Soyez propre sur vous : Si l’habit ne fait pas le moine, il participe grandement à la perception que les autres ont de vous. Sachez vous adapter à votre audience. Le t‑shirt « Bazinga » n’est pas forcément le bienvenu dans une banque, tout comme la cravate est peut-être un peu surfaite pour un magasin de skate.

Que vous le vouliez ou non, on vous jugera sur ce genre de détails. Faites en sorte qu’on ne puisse rien vous reprocher à ce niveau.

Vous êtes là pour résoudre des problèmes

Dans les années 80, la jeune société Next (fondée par un certain Steve Jobs) fait appel au célèbre designer Paul Rand pour la création de son logo. Voici ce qu’il leur a annoncé d’emblée :

« Je vais résoudre votre problème pour vous, et vous me paierez. Vous n’avez pas besoin d’utiliser la solution — si vous voulez des options, allez voir quelqu’un d’autre. Mais je vais résoudre votre problème de la meilleure manière qu’il m’est possible, que vous l’utilisiez ou pas c’est votre choix — vous être le client — mais vous me paierez. »

Nous sommes bien clair que tout le monde ne peut pas prétendre être Paul Rand, mais c’est ce genre de relation que vous devez établir avec votre client : vous êtes payés pour résoudre des problèmes de la meilleure manière possible et n’oubliez jamais que vous savez ce que vous faîtes. Alors prenez les rennes de votre relation client et agissez comme le professionnel que vous êtes !

Les points à retenir

  • Préparez votre présentation. Ne venez pas les mains dans les poches.
  • Expliquez comment vous travaillez ainsi que votre cheminement.
  • Faites attention à votre apparence, votre langage et soyez à l’heure.
  • N’ayez pas peur de ne présenter qu’une seule option. Si c’est la meilleure option et que vous y croyez, à quoi bon présenter quelque chose de moins bien ?
  • Apprenez à dire non. Votre objectif est le succès du produit final, et non l’invitation du client à venir passer le nouvel an au chalet avec sa famille.
  • Vous êtes un pro, ne l’oubliez pas.

Pensez à ces différents points la prochaine fois que vous vous préparerez pour une présentation de projet. Cela demande parfois du courage de ne présenter qu’une seule option ou de dire non, mais le respect que vous gagnerez de la part de votre client n’en sera que plus grand.

Vous êtes un pro, ayez confiance en vos propres capacités. Si vous ne croyez pas en vous-même, personne d’autre n’y croira !

Pour aller plus loin

6 commentaires sur cet article

  1. Thomas Jund, le samedi 13 décembre 2014 à 12:41

    Merci Loris. Très bon article.
    J’aurais du coup 1 conseil supplémentaires pour les web Agency : confiez au webdesigner qui a bosser sur le projet de présenter son concept, son travail. Au sénégal il y a des web agency qui vont défendre une maquette ou un travail graphique avec leur chef de projet ou leur commercial et laisser le webdesigner au placard (surtout lorsque c’est un sous traitant ou un junior). Le résultat : une chiadée de modifications à apporter, et toujours un mix à réaliser entre la maquette 1 et 3, avec la couleur de la maquette 2. Puis des vas et vient avec le client : maquette 2.1, 2.2, 2.3 !

    Même si le terme maquette n’a pas été employé dans ton article, j’ai l’impression que toutes les difficultés que tu exposes provienne quand même de la validation de ce livrable.
    De mon côté, lorsque je peux décider de la méthode de collaboration avec le client, je zappe complètement la phase maquette. J’engage le client dans un processus de conception d’un prototype fonctionnel, étape qui permettra de valider l’architecture de l’information en mode responsive, l’ergonomie, IU, bref tout ce qui ne porte pas sur l’identité graphique de la plateforme : typographie, couleur. Puis seulement en second phase, travail sur des planches tendance pour définir le design et l’identité graphique du projet.
    C’est pas toujours parfait et après la phase d’identité graphique et faut parfois redéfinir ou réajuster les composants du prototype, mais je trouve cette démarche beaucoup plus zen, et permet de faire participer et comprendre au client qu’un travail de design se porte sur bien plus d’aspect que de simplement dessiner avec photoshop.
    Je parle des avantages de cette méthode sur mon site : Content First : retour d’expérience

  2. Loris, le samedi 13 décembre 2014 à 18:22

    Merci pour ton message Thomas. Oui, je n’ai pas mentionné le fait que c’est au designer de présenter son travail. Je n’en ai pas parlé car pour moi c’est une évidence même mais c’est vrai que ça sera ajouté dans une éventuelle version 1.2. :-)

    Je te rejoins complètement pour le processus itératif que tu propose. C’est une méthode qui fonctionne et qui permet de corriger le tir beaucoup plus facilement.
    Néanmoins, quel que soit la méthode de travail et le processus, cela reste au designer de prendre les rennes de la relation et d’être professionnel et proactif.

    Je bookmarke ton article pour le train lundi matin. :-)
    J’ai l’impression qu’il rejoint celui de Stéphanie publié ici-même le 10 décembre.

  3. Varouschka, le samedi 13 décembre 2014 à 19:15

    Un grand merci pour ton article, que je vais bien faire tourner à quelques collègues & camarades. Je suis totalement en phase avec cette démarche, et notamment sur notre propre portfolio (phase d’explication, de recherche, du pourquoi et du comment). Le client est très réceptif, parfois friand même de recevoir ces informations !

  4. Maxime Siméon, le lundi 15 décembre 2014 à 10:21

    Merci Loris pour cet article qui doit toucher un bon nombre de pro même si — je l’espère — ce n’est qu’un rappel.

    Ton article s’adresse surtout aux Web Designers freelance (« normal » tu nous fais un retour d’XP ;-). Je tiens à faire le parallèle avec les agences web.
    J’ai l’impression que tous les acteurs n’ont pas conscience d’être Web Designer. Il n’y a pas que les « graphistes » qui sont concernés par ton article. Le livre de Mike Monteiro « Métier Web Designer » est un très bon guide, il faut bien comprendre la désignation « Web Designer ». Commercial, chef de projet, content manager, UX designer, UI designer, intégrateur, développeur,…tous font partie de la boucle et design (fabrique) le produit web du client.

    À faire tourner en tout cas :)

  5. Loris, le lundi 15 décembre 2014 à 11:29

    Merci Maxime,
    En plus de mon activité freelance, je suis aussi employé, donc je parle bien dans un cas général. :-)
    Le designer DOIT être présent lors de la présentation et si possible, c’est lui qui va la prendre en main. On doit être disponibles pour pouvoir se justifier, expliquer, décliner.

    Il n’y a rien de pire qu’un account manager qui revient de présentation et qui dit « il faut changer le bleu » sans que tu aies ton mot à dire du pourquoi du comment tu as choisi ce bleu là.
    Donc là aussi il faut prendre le taureau par les cornes et insister pour participer à la présentation du projet coûte que coûte. Ça fait partie du job !

  6. Kee, le mardi 7 avril 2015 à 12:57

    excellent article. Juste un détail : c’est rênes comme celles du cheval et pas Rennes comme ceux du père noël. :-)