Les licornes existent !

En juin dernier, nous avons donné une conférence sur la gestion de projet lors de la Kiwi Party. Nous y avons fait état des dix qualités qu’un bon chef de projet devait, à nos yeux, détenir pour mener à bien sa mission.

Suite à cette conférence, nous avons été interpellés sur un point intéressant : est-ce réellement possible de réunir toutes ces qualités sans y perdre la santé ? Ne sommes-nous pas en train de chercher une licorne, en ayant une vision aussi optimiste de ce métier compte tenu des contraintes bien réelles qui l’entourent ?

Nous avons donc voulu vérifier l’existence des licornes, en nous basant sur la situation spécifique du chef de projet et en l’élargissant à tous les métiers du Web.

Internet, un jeu d’enfants !

Nous savons tous, quelle que soit notre spécialisation, qu’un site va bien au-delà de ce que l’on voit : c’est bien plus qu’un assemblage d’un thème graphique, de lignes de codes, et de blocs de contenus.

Un site, c’est avant tout le reflet du client et de son besoin.

C’est une architecture d’information qui lui permettra de toucher les utilisateurs auxquels il s’adresse.

C’est une interface qui, par son organisation et l’ambiance graphique qu’elle propose, viendra soutenir cette organisation des contenus et leur faciliter l’accès.

C’est un ensemble cohérent avec l’image de marque du client, aussi bien sur un plan graphique qu’éditorial.

Un site web digne de ce nom est donc le fruit de la rencontre de plusieurs métiers partageant un objectif commun : la mise en production d’une réalisation de qualité !

Mais dans la réalité, qu’est-ce que ça donne ?

Des contraintes, encore des contraintes, toujours des contraintes !

Rencontre du 3e type

Qui dit rencontre de plusieurs métiers, dit rencontre de profils différents. Et la cohabitation n’est pas toujours aisée !

Chaque acteur intervient dans son domaine spécifique. Chacun participe, à son échelle, à la réalisation de cet objectif commun de qualité selon des contraintes particulières.

L’architecte d’information et l’ergonome organiseront les contenus de manière à fournir une navigation simple, claire et confortable pour les internautes.

Le graphiste créera, en se basant sur le langage des formes et des couleurs, une interface dans le respect de la charte graphique du client et mettra en valeur les contenus.

L’intégrateur et le développeur s’appuieront sur leur créativité pour choisir les solutions techniques les plus adaptées pour donner vie à cette interface.

Le rédacteur web et le référenceur œuvreront sur les contenus du site pour lui donner la meilleure visibilité.

Le chef de projet, quant à lui, rassemblera ces différentes expertises pour rester dans les contraintes de temps et de budget, tout en coordonnant les individualités.

Chacun effectue ses tâches avec son propre référentiel, sa propre perception du Web, sans avoir toujours une vision globale du projet.

Le lien entre chaque étape ne se fait pas toujours de manière évidente et l’on finit par perdre en fluidité et en cohérence.

Contrainte interne ou la mode du couteau-suisse

Pourtant cette vision globale et transverse nous est de plus en plus demandée. Il suffit pour cela de consulter certaines offres d’emploi.

Annonce fictive… malgré tout peu éloignée de la réalité
Annonce fictive… malgré tout peu éloignée de la réalité

Il faut non seulement être bon, que dis-je, être expert et expérimenté dans sa spécialisation, mais également dans les autres ! Un graphiste par exemple ne doit plus « simplement » maîtriser le langage graphique et les logiciels de traitement d’image, mais aussi être intégrateur et ergonome.

Il est pourtant difficile d’être efficace dans tous les métiers du Web. Même lorsqu’on se présente comme un « couteau suisse, » la multi-compétence a ses limites. Elle n’est pas à confondre avec une expertise de chaque métier.

Le Web évolue vite, tous aspects confondus : graphique, technique, méthodologies de travail. Évoluer dans ce domaine d’activité signifie évoluer avec le média, et il est difficile de rester à la pointe sur tous les fronts. Il est nécessaire, pour rester pertinent et compétitif, de prioriser un domaine.

Évidemment, il ne faut pas tomber non plus dans l’excès inverse de la sur-spécialisation. La curiosité n’est pas un vilain défaut, bien au contraire ! Elle est indispensable pour ne pas s’enfermer dans son métier et rester ouvert aux évolutions qu’il va subir.

Si nous reprenons l’exemple de notre graphiste, être sensibilisé aux bonnes pratiques ergonomiques et aux contraintes techniques liées à l’intégration ne fera qu’enrichir son métier. Il n’a pas pour autant besoin d’en devenir expert !

Productivité vs. Qualité

Mais suivre les évolutions rapides du web n’est pas toujours aisé et est souvent en contradiction avec les objectifs d’efficacité et de rentabilité de chaque projet.

L’erreur, le changement, pourtant inévitables dans un projet, sont vus comme des menaces et sont souvent sources d’angoisse. La remise en question qu’ils provoquent et les enseignements qui pourraient en découler sont ainsi progressivement mis de côté.

Difficile de faire un bilan de projet en bonne et due forme, intégrant équipe et client, pour tirer profit des dysfonctionnements d’un projet, lorsque ces derniers s’enchaînent.

On s’installe alors dans une routine où les contraintes de nos métiers et de ce domaine d’activité sont levées en bouclier telles des excuses pour des réalisations dont la qualité décroît. On fait au plus simple en reprochant au client des demandes que l’on aurait pu anticiper.

On s’appuie sur nos acquis, en oubliant de se renouveler, par manque de temps, de ressources : fonctionnelles, matérielles ou humaines.

Et si l’on changeait tout ça ?

Et si l’on imaginait une réalité métier où bien faire son travail est possible sans pour autant être synonyme d’ulcère ou de burn-out ?

Il ne s’agit pas ici d’oublier les véritables contraintes qui jalonnent nos métiers, mais de refuser que ces mêmes contraintes entament la qualité de nos réalisations.

Le changement peut paraître énorme et freiner les bonnes volontés. Pourtant, en y mettant chacun du sien dans une pratique rigoureuse et raisonnée de son métier, en avançant pas à pas, il est possible d’initier un véritable changement de fond.

Car chaque petit changement peut faire changer tout ce média qu’est le nôtre : le Web. Le choix ne se poserait plus entre le fond et la forme, et nous verrions apparaître sur la Toile des sites efficaces, cohérents et sources de satisfaction pour nos clients, mais aussi et surtout pour les internautes.

Vous y croyez ? Même qu’un tout petit peu, si l’envie est là, allons‑y !

Prenons en main l’avenir de nos métiers !

La qualité comme fer de lance

La qualité ne doit pas être un plus dans un projet. Elle doit en être l’objectif principal quelles que soient les contraintes de budget et de temps.

Une interface web a un impact sur les personnes qui en font usage. Et c’est pour elles qu’il est nécessaire de faire du bon travail. Si l’on perd cet élément de vue, alors nous ne sommes plus pertinents.

Comme Mike Monteiro le dit : en tant que designers nous sommes tous directement responsables de nos créations.

Bien faire nos métiers, c’est avant tout accepter la responsabilité qui nous incombe. Et plus que l’accepter, c’est l’endosser pleinement. Cette responsabilisation des acteurs du web que nous sommes sera le gage d’un travail de qualité.

« Je réalise des projets de qualité car c’est ma responsabilité. »

La communication comme arme de choix

Nous avons beau évoluer dans le domaine de la communication, c’est bien souvent cette dernière qui pêche le plus.

La communication est un facteur clé de réussite de votre projet. Elle ne doit pas avoir lieu uniquement entre le chef de projet et son équipe. Elle doit s’imposer entre tous les membres d’une équipe.

Nous avons chacun notre spécialisation et nous ne maîtrisons pas les détails des autres métiers. Qu’à cela ne tienne, échangeons !

La pédagogie comme réflexe

Communiquer est important, à condition d’utiliser les bons mots !

Il est important de se mettre à la portée de ses interlocuteurs pour s’assurer que l’échange soit efficace, qu’il s’agisse d’échanger avec votre client ou entre collègues !

Chaque domaine du Web a son propre vocabulaire, souvent spécifique, technique et peu accessible à un non-initié. Il est donc nécessaire d’adapter son discours et de « sous-titrer » ce dernier quand cela s’avère nécessaire.

De plus, expliquer une notion que l’on maîtrise à quelqu’un qui ne la connaît pas nous confronte parfois à nos propres lacunes et nous permet d’identifier les zones d’ombre d’un sujet, ou du projet lui-même, à clarifier.

La méthodologie comme fil rouge

Les volontés individuelles ne suffisent pas, il est nécessaire de remettre en question nos méthodologies au sein de nos équipes de travail.

Dans certains cas, c’est toute l’organisation qu’il faut potentiellement revoir : chaque projet est unique et nécessite une méthodologie adaptée. Et là encore, l’évolution du média nous amène à bousculer nos habitudes : réflexion mobile first, méthodologie agile, évolution des outils… Le cloisonnement des étapes n’est plus souhaitable.

Prenons par exemple l’organisation d’un projet : aujourd’hui un site pertinent n’est plus uniquement un site bien construit et visible ; c’est également un site qui répondra aux attentes et aux besoins des internautes. Le site n’est plus la finalité, c’est la satisfaction de l’utilisateur qui prime.

Si l’internaute est notre objectif final, c’est lui qui doit être au centre de nos problématiques. Il faut donc envisager le processus complet autour de ses besoins.

Ces pistes de changement sont à tester et à adapter pour obtenir une méthodologie efficace, dans laquelle les acteurs du projet peuvent travailler sereinement avec toujours ce même objectif : un résultat de qualité !

Et les licornes dans tout ça ?

Une licorne est un animal mythique trop beau pour être vrai. Nous pensons que réaliser des projets de qualité n’est pas un mythe, c’est possible si chacun y croit. Petit à petit, nous pouvons faire évoluer nos métiers et le web vers « un mieux » qui n’est peut-être pas si utopique que ça…

Nous croyons aux licornes. Et vous ?

4 commentaires sur cet article

  1. mulk, le mercredi 17 décembre 2014 à 11:13

    Merci pour cet article !
    Au fait, y a une version « texte » de votre conf” à la KiwiParty ? Nan, parce-que les slides c’est pas suffisant et la vidéo, ben au taf, c’est pas assez discret…

    P.S.: j’aime pas les licornes, je préfère les poney ;)

  2. Philippe, le mercredi 17 décembre 2014 à 15:10

    Merci !

    Et non, il n’existe pas de version texte de notre conf… Mais il suffit de ne pas être timide et de proposer à tes collègues le visionnage de la conf, tout le monde y gagnera :)

  3. Pierre, le jeudi 18 décembre 2014 à 21:27

    C’est moi, ou en France on a encore le culte des étiquettes, « chacun son métiers » ? S’il est dommage de constater encore parfois cette mentalité, ça fait du bien de lire ce genre d’articles, j’adhère totalement ! Merci.

    J’ai l’impression que non seulement les licornes, mais également les forêts enchantées peuvent exister : l’entreprise ou je travail par exemple, pousse vers ce genre de démarches – placer l’utilisateur au centre et faire collaborer tous les métiers.

    Sinon, pour la méthodologie, je vous suggère de regarder du côté de « Lean UX », un condensé de pratiques qui ont changé ma façon de travailler.

  4. mulk, le vendredi 19 décembre 2014 à 08:03

    Présentation à la KiwiParty : vue !
    Elle est simple, elle pose les bases, donc elle est très bien

    Par contre cela fait maintenant quelques mois, depuis que j’ai acquis mon CAPM (PMI), que je me demande si la « culture projet » venant essentiellement des pays anglo-saxons, n’apportera pas aussi son lot de mauvaises pratiques…

    A force de tout vouloir contrôler, planifier, mesurer, communiquer, ne perd-t-on pas le côté « artisanat/créatif/spontané » qui a marqué le début de nos métiers du web ?
    Ne deviendrons-nous pas des machines à produire du projet ?
    Ne perdons-nous pas la réalité humaine au centre de toutes créations web (et dans d’autres métiers), et là, je ne parle pas des utilisateurs, mais bien de l’équipe ? (Avis perso : je trouve magnifique lorsque des entreprises et managers professent des méthodologies axées sur « l’Empathie » auprès de leur clients, mais traitent leur employés comme des m***** et engagent des stagiaires sous-payés pour effectuer les mêmes tâches qu’un employé « normal ». « Oui-oui, nous sommes trèèèèèès empathiques »)

    Allez jeter un oeil sur cette vidéo :
    https://www.youtube.com/watch?v=BqhIfTm6XzA&t=1h06m25s
    C’est un bout de spectacle de Frank Lepage avec un interview, à voir de 1h06m25s jusqu’à peu près 1h12m (et plus si vous crochez… ;) )
    Qu’en pensez-vous ?