L’ergonomie des claviers ou quand confort rime avec santé !

Tous les métiers du web ont un point commun, ils nécessitent de travailler sur un ordinateur ! (merci Captain Obvious)

Blague à part, avec le développement du secteur tertiaire et la propagation de l’informatique au travail, et dans les foyers, le nombre de personnes qui pratiquent un métier ou une activité bureautique sur un ordinateur a augmenté, ainsi que leur temps d’utilisation.

Sauf qu’en parallèle, une autre courbe a, elle aussi, augmenté : il s’agit des cas de troubles musculosquelettiques (TMS) regroupant de nombreuses pathologies des tissus mous (articulations, muscles, tendons, nerfs).

Depuis plus de 20 ans, les troubles musculo-squelettiques constituent la première maladie professionnelle reconnue en France et dans d’autres pays européens.

On constate que 45% des TMS affectent le poignet.
Le syndrome du canal carpien représente à lui seul 4 cas de TMS sur 5.
Ces statistiques ne comptabilisent pas seulement le travail sur ordinateur, mais vous voyez l’idée.

Le matériel informatique souffre d’un gros problème, les standards de design pour les claviers et les souris ne sont pas pensés pour être utilisés sur d’aussi longues durées et se révèlent être la source de ces problèmes.

La solution est de remplacer la souris par une de position verticale ou une trackball et de changer le clavier et son utilisation pour augmenter l’ergonomie.
C’est ce second périphérique que je vais présenter plus en détail afin que vous le compreniez mieux !

Je rappelle cependant que je ne suis ni médecin, ni ergonome. Je me suis juste passionné pour le sujet, et vous partage mes découvertes et réflexions ici.


Plan de l’article :

Origine du clavier QWERTY

Le QWERTY est une disposition des touches de clavier de machine à écrire brevetée en 1878 par Christopher Latham Sholes, qui fut un des hommes à avoir inventé les premières formes de machines à écrire.

Cette disposition de touches a été pensée pour la machine à écrire « Sholes et Glidden » aussi nommée « Remington No. 1 » qu’il a élaboré avec l’aide de l’imprimeur Samuel W. Soule et du mécanicien amateur Carlos Glidden. Il vend les droits de cette invention à la société E. Remington and Sons en 1873. C’est la première machine à écrire ayant connu un succès commercial. Ceci explique que la disposition des touches ait été conservée dans le temps.

L’hypothèse la plus répandue pour expliquer l’organisation des caractères du QWERTY est d’ordre mécanique.
Les machines à écrire fonctionnent en faisant basculer une tige par touche, laquelle vient frapper la feuille et y inscrire son caractère.
Si l’opérateur·rice appuyait sur une seconde touche avant que la première n’ait eu le temps de revenir, alors elles risquaient de s’emmêler et de rester bloquées.

Plutôt que de repenser le mécanisme, la solution la plus rapide à mettre en place a été de disperser les digrammes (couple de lettres le plus souvent utilisé ensemble) le plus possible, afin de ralentir la frappe au maximum, diminuant ainsi les risques de blocage du mécanisme.

Cependant en 2011, un article de Koichi Yasuoka et Motoko Yasuoka, deux chercheurs à l’université de Kyoto, réfute cette origine.
Les auteurs avancent plutôt que cette disposition est issue d’un travail empirique des concepteurs visant à faciliter le travail des télégraphistes, premier·es utilisateur ou utilisatrices de la machine.

Les premières versions de ces claviers étaient inspirées des claviers de piano.
Les lettres étaient placées dans l’ordre alphabétique les unes à côté des autres.
Cependant, pour être utilisé, il fallait ajouter des touches pour les chiffres et les caractères de ponctuation courants.

Illustrations de prototypes extrait de l’article de Koichi Yasuoka et Motoko Yasuoka & Wikimédia.

Il crée donc une seconde version sur 4 lignes :

  • La première ligne contient les chiffres de 0 à 9 ainsi que le « - ».
  • La seconde est composée des voyelles, triées par ordre alphabétique, ainsi que des caractères « , », « . » et « ? ».
  • Les deux dernières regroupent les consonnes, elles aussi triées par ordre alphabétique.
Extrait de l’article de Koichi Yasuoka et Motoko Yasuoka.

Au fur et à mesure, il y a eu des retours des télégraphistes, qui ont orienté la création du QWERTY.

  • La lettre « t » est très courante, il faut la mettre au milieu avec les voyelles.
  • La lettre « q » sert peu, il faut l’éloigner, elle est donc en haut à gauche.
  • Comme le « i » sert également de « 1 » et le « o » de « 0 (zéro)» et qu’on est dans les années 1870, elles sont placées proches du « 8 ».
  • La lettre « s […] » a été rapproché du « e [.] » et du « z [… .] » du fait de leurs similarités dans le code morse américain.
Code morse américain, extrait de l’article de Koichi Yasuoka et Motoko Yasuoka.

Par contre, bien que la première hypothèse soit fausse, les digrammes sont bels et bien placés de façon très peu optimisée.

Il faut donc que les mains fassent de nombreux déplacements pour écrire un message en anglais.

Fait amusant, les lettres du mot « Typewriter » (machine à écrire) sont toutes placées sur la première ligne !

Lors de l’exportation des machines à écrire à l’étranger, le QWERTY a servi de base pour d’autres dispositions notamment à l’AZERTY utilisé en France et en Belgique !

Les layouts optimisés (anglophones)

Le docteur américain Auguste Dvorak a publié en 1932, après dix années de recherche avec son beau-frère William Dealay, la disposition DVORAK.

Trouvant le QWERTY sous-optimisé, ils conçoivent la disposition DVORAK en appliquant une méthode en plusieurs points :

  • Maximiser l’alternance des mains lors de la frappe en répartissant les touches de façon équitable, afin d’augmenter les chances de taper un caractère sur deux par main, augmentant ainsi le confort et la vitesse.
  • En cas de non-alternance des mains sur un digramme ou un trigramme, utiliser la même main et diriger la frappe vers le centre du clavier.
    Cela permet de privilégier l’usage des doigts les plus musclés que sont l’index et le majeur.
  • Organiser les caractères de telle façon que les plus utiles soient placés sur la rangée centrale, aussi appelée « home row » qui n’est autre que la ligne sur laquelle sont placés les doigts au repos.
    Elle a souvent un repère tactile sur les deux touches destinées aux indexes.
    Pour un texte anglais, le QWERTY utilise les caractères de cette ligne à 32%, là ou en DVORAK l’utilise à 70%.
    Autrement dit, on n’a pas à déplacer ses doigts pour aller chercher une autre lettre dans environ 70% des cas.
    Les caractères un peu moins utilisés (22%) sont sur la ligne supérieure, et enfin les caractères très peu utilisés (8%) sont sur la ligne inférieure.
    Cela permet d’optimiser le geste des doigts pour avoir statistiquement le moins d’effort à faire quand on écrit.
Comparatif de fréquence d’utilisation des lignes en QWERTY vs DVORAK.

Grâce à ce travail ils ont réussi à diviser par trois la distance parcourue par les doigts. Uniquement avec les touches de cette « home row », on peut écrire environ 5000 mots anglais contre à peine 300 en QWERTY.
Au final, il y a des gains de +20% en vitesse et +50% de précision. Il y a également un gain de vitesse dans l’apprentissage de la disposition.


Cette vidéo permet de comparer l’utilisation du QWERTY au DVORAK.
On constate bien que les mains font beaucoup moins mouvements avec la disposition la plus optimisée.

À ce moment, on se dit que c’est génial et que tout le monde va l’adopter ! Sauf que non… Les fabricants ne l’ont pas fait, pour ne pas avoir à adapter ce qui se vendait déjà bien.
Les utilisateur·ice·s n’ont pas envie de faire l’effort de réapprendre la dactylographie sur une nouvelle disposition.
Surtout si ils ou elles ont déjà investi du temps et de l’argent pour apprendre à utiliser le QWERTY.

Auguste Dvorak meurt en 1975, fatigué de voir que les hommes ne veulent pas changer : « I’m tired of trying to do something worthwhile for the human race. They simply don’t want to change ! »

7 ans après sa mort, l’ANSI (American National Standards Institute) reconnaît son travail, ce qui permet de lui laisser une petite place dans l’histoire.

Encore aujourd’hui, cette disposition est considérée par beaucoup comme la meilleure pour une utilisation anglophone.
Par contre, elle ne possède pas de caractères accentués la rendant inutilisable dans beaucoup de langues.

Autres dispositions anglophone

Depuis, des variations et d’autres dispositions ont donc été créées pour résoudre ce problème. D’autres ont aussi été optimisées pour la programmation.

Sans être exhaustif, en voici une petite liste et leurs spécificités :

  • Programmer DVORAK (un DVORAK repensé pour coder plus facilement)
  • MINIMAK (un QWERTY modifié pour être plus rapide à apprendre)
  • COLEMAK (également pour une transition facilitée depuis QWERTY)
  • WORKMAN (amélioration du COLEMAK, faisant moins bouger les doigt latéralement)
  • NORMAN (une autre disposition sans héritage, mais reprenant les concepts des autres)

AZERTY

Tout ça c’est bien beau, mais pour les Français et les Belges, on a l’AZERTY.
C’est une légère adaptation du QWERTY et on peut lister plusieurs problèmes :

  • Des caractères fréquents sont difficiles d’accès.
  • Des caractères rarement utilisés sont très accessibles (comme le Z et le K).
  • Les lettres accentuées sont sur la rangée des chiffres, donc assez difficile d’accès.
  • Il manque des caractères usuels du français comme :
    • des lettres fusionnées telles que le : œ
    • des caractères comme les guillemets ou l’apostrophe français : «»
    • les majuscules accentuées (bien que corrigé sous macOS et Linux)
    • les espaces insécables.
  • Mauvaise alternance entre les deux mains (58% pour la main gauche).
  • Aucune optimisation pour la langue française.

Résultat : On se fatigue à bouger nos mains en permanence pour ne même pas écrire en français correct, à cause d’un manque des caractères…

Par conséquent, certains OS se sont mis à intégrer des logiciels convertissant automatiquement les caractères par les bons, mais cela peut se retourner contre nous.
Avant de désactiver cette fonctionnalité, lorsque je copiais/collais les guillemets anglais d’un bout de code vers un logiciel de messagerie, ils se transformaient en guillemets français ou en apostrophe française et cassaient le code…

Première tentative d’optimisation pour le français

En 1976, Claude Marsan propose une nouvelle disposition pour un usage francophone. Celle-ci ne se résume pas à la disposition : le clavier en lui-même est modifié.

Les travaux de Claude Marsan ne semblent pas avoir eu d’impact significatif sur le public. En effet, personne n’utilise cette disposition aujourd’hui. La norme NF E55-070 a été annulée en 2010.

En 2002, Francis Leboutte créé un DVORAK FR, aussi nommé DVORAK LEBOUTTE.
Sa conception reste néanmoins incomplète pour être vraiment pratique et malheureusement, il n’y a aucune source et la licence est propriétaire. Cela verrouille donc toute évolution possible…

Il y a eu une disposition DVORAK-MOUETTE, mais étant donné qu’elle a été basée sur le travail de Francis Leboutte, elle a été retirée de X.Org en juillet 2008 pour problème de licence

BÉPO : le reboot from-scratch

Afin d’en finir avec les problèmes de licence, est arrivé le projet BÉPO !

Avantages du BÉPO :

  • 69% des mots utilisés dans la langue française se situent dans le « home row », contre ~20% en AZERTY.
  • Deux fois moins de déplacements comparé à AZERTY.
  • Bonne répartition entre les deux mains.
  • Bonne répartition des digrammes (paires de lettres fréquentes).
  • Regroupement des paires : «» <> () [] {} ,’
  • Les caractères informatiques de programmation sont présents et placés de façon logique et accessible.
  • Apprentissage de la frappe à l’aveugle facilité.
  • Gain de vitesse.
  • Inclus dans X.Org.
  • Prévention des TMS.
Comparatif de fréquence d’utilisation des lignes en AZERTY vs BÉPO, extrait de bepo.fr.

Tous les caractères de la langue française sont présents : Ç, Œ, Æ, É, È, À, Ù, Ÿ, les guillemets « », l’apostrophe typographique « ’ », les points de suspension « … », l’espace insécable et l’espace insécable fine ou encore les différents tirets, dont le tiret cadratin « — » et le tiret demi-cadratin « – ».

À ceux-ci s’ajoute une multitude d’autres caractères absents de la disposition AZERTY dont :

  • ceux de l’ensemble des langues officielles de l’Union européenne basées sur l’alphabet latin ;
  • ceux de l’espéranto ; le gallois ; le turc et l’azéri ; l’islandais ; les lettres grecques ;
  • les chiffres en exposants ¹²³⁴⁵ et en indices ₆₇₈₉₀ ;
  • certains symboles mathématiques courants ± − ÷ × ≠ ≃ ≮ ≯ ⩽ ⩾ ≰ ≱ ≲ ≳ ¼ ½ ¾ ‰ ;
  • la plupart des symboles monétaires ;
  • plus de 500 caractères diacrités grâce à un système de vingt touches mortes.

C’est une disposition qui a été construite de façon communautaire, qui est multiplate-forme, open source et sous la double licence libre CC-BY-SA et GFDL. 🤘

Conseils par rapport au BÉPO

C’est une disposition qui est faite pour s’apprendre à l’aveugle et à dix doigts.
Prenez donc bien le temps de le faire avec une impression de la disposition des touches à côté du clavier et non des auto-collants sur les touches, ou un clavier imprimé en BÉPO, ça serait la meilleure façon de se renfermer dans la dépendance de regarder le clavier…
Aussi pour plus de confort, utilisez la touche shift de la main opposée de la lettre que vous voulez écrire 😜

Enfin, j’ai une petite astuce pour quand je me retrouve sur un Linux en TTY (typiquement quand je boot un iso d’Arch Linux) et que je veux lancer la commande : loadkeys fr-bepo.

Si le prompteur est en QWERTY, je fais comme si j’écrivais rlaisp^u eo=kpjl en BÉPO, s’il est en AZERTY j’écris : rlbisp^u eo@kpjl et tadaaaa 🎉 !
La commande est écrite, sans avoir eu à chercher et à brancher un clavier imprimé en AZERTY 😅.

S’il vous faut lancer la commande en sudo, c’est uvil.

D’autres dispositions

À force de faire des recherches, j’ai trouvé trois autres dispositions pensées pour un usage francophone.

Le premier est le QWERTY Lafayette qui est donc basé sur le QWERTY (aussi peu optimisé que je l’ai présenté), mais où beaucoup de logiciels informatiques comme vim ont été pensés pour être ergonomiques dans leur configuration par défaut.

J’ai lu des discussions sur le « bvoFRak » qui a l’air d’être une disposition encore plus performante que le BÉPO, sollicitant moins les auriculaires, mais le site officiel est un blogspot supprimé 😕.

Enfin, un peu d’actualité, car le 3 avril 2019, l’AFNOR (l’organisme français de référence pour les normes) a publié son communiqué de presse sur la norme NF Z71‐300 lancée en 2015 à la demande du ministère de la Culture.

Elle y recommande un nouveau AZERTY « optimisé », mais aussi l’utilisation du BÉPO !

Ce modèle (BÉPO) est aujourd’hui reconnu comme proposant la disposition la plus ergonomique et efficace possible pour la saisie du français et d’autres langues à alphabet latin, mais aussi pour la programmation.

Comment ça marche un clavier d’ordinateur ?

Un clavier d’ordinateur est une interface homme-machine, un périphérique composé d’une succession d’interrupteurs électroniques, de la même façon qu’une souris a des boutons pour cliquer.

Pour faire simple :

  • Au branchement du clavier celui-ci se déclare comme un périphérique USB de type clavier.
  • Quand une touche est pressée, le micro-contrôleur du clavier envoie un signal (appelé scan code) pour communiquer les touches qui ont été pressées.

C’est le système d’exploitation qui associe ce code à un caractère ou à une action en fonction de la disposition qui lui a été configurée.

Il existe différentes technologies de frappe, mais deux sont particulièrement populaires.

Membrane

Sous les touches, se trouve une membrane plastique, laquelle se situe au-dessus d’un circuit imprimé.
Lorsqu’une touche est pressée, la membrane conductrice vient toucher un contact sur le circuit imprimé fermant le circuit spécifique à une touche.
Le micro-contrôleur du clavier détecte ainsi la pression de la touche.
C’est la technologie la moins chère et donc la plus fréquente actuellement.
Elle est utilisée dans la très grande majorité des claviers, dont ceux intégrés aux ordinateurs portables.
Son utilisation est peu bruyante, et la course de frappe est courte.

Interrupteur mécanique

À l’époque, chaque touche comportait un ressort, qui une fois comprimé finisait par se plier, basculant une plaque qui rentrait en contact avec une autre pièce, actionnant ainsi l’interrupteur.
C’était une technologie plus réactive et plus robuste que les membranes, mais souvent plus bruyante.
IBM a popularisé cette technologie « buckling spring » dans les années 1980 avec ses modèles F puis avec ses modèles M.

Aujourd’hui on le retrouve souvent le choix des interrupteurs mécaniques pour le « gaming ». Sauf que les technologies ont évolué, laissant la place aux fabricants principaux qui sont : Cherry, Kali et Gateron.

Il existe une grande diversité de switchs, ils sont classés par couleur et ont chacun un ressenti spécifique : force demandée, longueur de course, bruit…
Il y a de quoi régler précisément le confort de son clavier en les choisissant.
Un subReddit y est dédié pour pour les plus passionnés !

L’ergonomie des claviers

C’est quoi, l’ergonomie ?

L’ergonomie est « l’étude scientifique de la relation entre l’Homme et ses moyens, méthodes et milieux de travail » et l’application de ces connaissances à la conception de systèmes « qui puissent être utilisés avec le maximum de confort, de sécurité et d’efficacité par le plus grand nombre ».

Comme je le disais plus haut, les machines à écrire ont laissé pour héritage aux claviers d’ordinateurs leur disposition des touches, mais ce n’est pas la seule spécificité qui a été conservée, entraînant malheureusement des problèmes d’ergonomie…

Le quinconce

D’une rangée à l’autre, les touches sont décalées. Du temps de la machine à écrire, c’était nécessaire, car il fallait laisser la place physique pour que les leviers mécaniques de chaque caractère puissent être actionnés sans rentrer dans les leviers voisins. Cette contrainte n’existe plus maintenant : pour améliorer le confort, il faut préférer des touches orthogonales, permettant de faire glisser les doigts de haut en bas plutôt que les faire vriller en diagonale.

L’inclinaison

Encore une fois du temps de la machine à écrire, pour avoir la place de mettre tous les leviers, on devait les stocker sur la hauteur, créant ainsi un clavier incliné vers le haut. Cette spécificité a été imitée et on retrouve souvent des petites pièces en plastique pour augmenter encore plus la hauteur du haut du clavier.

Sauf que la position naturelle d’une main est à plat, ou vers l’intérieur par rapport au bras. Cette forme de clavier oblige à plier la main vers l’extérieur, créant une tension aux poignets. Ajoutons à ça le mouvement des doigts et la durée/fréquence d’utilisation, vous comprenez la situation traumatisante pour les articulations.

L’accessibilité des touches

On parle plus de confort et ça change beaucoup d’un clavier à un autre.
La distance entre chaque touche est à prendre en compte. Plus les touches vont être proches les unes des autres, moins la main aura à faire de mouvements pour les atteindre et moins l’utilisateur·ice va se fatiguer lors de l’utilisation !
Aussi, il est préférable que le clavier soit symétrique.
Nos mains le sont, donc autant que l’outil s’y adapte pour bien répartir l’utilisation des muscles des deux mains.

Quelques références de claviers

Attention, il faut bien différencier le clavier qui est un périphérique physique, d’un layout qui est une disposition de touches logicielle.
J’entends des gens me dire « ton clavier BÉPO », mais mon clavier n’est pas BÉPO, c’est juste un clavier ergonomique qui est compatible avec tous les layouts.
C’est bien mon ordinateur que j’ai configuré en BÉPO, peu importe le clavier que je lui branche.

Pour commencer, je vais vous présenter celui que je connais le mieux.
Il s’agit du TypeMatrix 2030, c’est un clavier à membrane qui a plusieurs avantages :

  • Il est plat et a ses touches disposées de façon orthogonale.
  • Ses majuscules mesurent deux unités de haut, les plaçant sur le « home row » et diminuant la torsion des poignets.
  • Les touches « entrée », « retour arrière » et « supprimer » sont placées au centre, s’activant avec le doigt fort qu’est l’index.
  • Des touches raccourcies coupez/copier/coller sont prévues pour garder le même geste qu’en AZERTY/QWERTY peu importe le layout utilisé.
  • Il y a également une intégration très pratique du pavé numérique pour la main droite.
  • Il est possible d’acheter un « skin », c’est une protection en silicone enveloppant l’objet.
    J’en avais peur avant de le tester, mais c’est un vrai confort !
    Il est très agréable au toucher et en plus de rendre le clavier silencieux, il le protège de l’eau, poussière et miettes…
  • Enfin, il est très compact, donc il diminue les efforts pour atteindre la souris si vous la placez à côté et non en dessous du clavier.
    De plus il est facilement transportable !

Astuce, sous macOS pour utiliser les touches de raccourcis correspondants à coupez/copier/coller, il faut utiliser le logiciel Karabiner et ajouter dans « Complex modifications » les règles « TypeMatrix 2030 Copy/Cut/Paste ».

L’ergodox, l’Ergodash et le keyboardio qui sont des claviers qui ont la spécificité d’être en deux morceaux pour pouvoir placer chacune des mains dans la position la plus confortable possible.
Ils ont également l’avantage d’être orthogonaux, plats et d’exploiter le fait que le pouce est un doigt fort pour l’utiliser sur plusieurs touches.

Vous pouvez aussi vous tourner vers :

Clavier reprogrammable

C’est un détail beaucoup plus avancé, mais certains de ces claviers sont « reprogrammables » ! Cela veut dire qu’on peut définir un nouveau scan code pour chaque touche ou combinaison de touches et modificateur, permetant de se créer des macros et des raccourcis personnalisés permettant d’augmenter considérablement son confort et son ergonomie.

Retour d’expérience

J’ai commencé à avoir accès à un ordinateur à l’âge de 4 ans. Vous vous doutez bien qu’à cet âge-là, je n’ai pas appris à utiliser le clavier en suivant des cours de dactylographie… À l’époque, je regardais le clavier et appuyais avec les index, sur les touches dont j’avais besoin.

Avec le temps, je me suis mis à taper de plus en plus vite sur les claviers, mais j’avais conservé cette très mauvaise habitude d’écrire avec les index, toujours un œil sur le clavier, histoire d’être certain d’utiliser la bonne touche.

Il y a quelques années, lors d’une discussion informelle, une amie m’a parlé du concept de BÉPO, qu’elle n’avait alors pas encore eu l’occasion de tester.


En 2016, alors en stage de fin d’études et n’ayant plus aucun projet personnel en cours, je me suis fait la réflexion suivante : « Ça serait quand même beaucoup plus confortable si je savais écrire au clavier sans regarder les touches ».

Je me suis souvenu du BÉPO et me suis donné pour objectif d’apprendre à utiliser cette toute nouvelle façon d’écrire, en repartant totalement de zéro, sans vouloir essayer de corriger 15 ans de mauvaises habitudes liées à ma pratique de l’AZERTY.

Les débuts n’ont pas été faciles. Il faut dire que les tutoriels et articles sur le sujet étaient très peu nombreux à l’époque. La conférence d’Étienne Folio, publiée en 2014, dans laquelle on retrouve pas mal d’informations présentes dans cet article, m’a convaincu de commander immédiatement mon premier TypeMatrix, avec lequel j’ai commencé à apprendre ce nouveau layout, grace notamment au site bepodactyl.

En deux semaines et à raison de plusieurs exercices pratiques tous les soirs, je connaissais toutes les lettres.

J’ai alors utilisé cette nouvelle disposition au quotidien, à l’aide notamment d’un rappel de la disposition imprimée et collée derrière mon écran.
Rappel très utile au début, surtout pour les caractères spéciaux.

Au début, j’écrivais très lentement, mon cerveau avait du mal à suivre et cela me prenait beaucoup d’énergie. C’était flagrant dans l’usage de certains logiciels comme les messageries instantanées par exemple. Heureusement, cette période plutôt fatigante ne dure pas très longtemps.

Malgré la lenteur, la précision qu’apporte l’apprentissage à l’aveugle m’a permis d’enregistrer très vite l’emplacement des touches, à commencer par les touches les plus utilisées.

Au bout de trois semaines, j’avais assimilé toutes les touches, caractères spéciaux compris.


Je commençais à éprouver de la satisfaction et ai donc décidé d’exporter cette toute nouvelle pratique au travail.

Si la plus grosse difficulté a été de retrouver les caractères courants des langages informatiques que j’utilisais (je pense aux caractères $#<>[]{}() ), tout est rentré dans l’ordre dans la journée.

Profitant alors de mon rapport de stage pour m’exercer grandeur nature au BÉPO (une des seules motivations pour rédiger mon rapport d’ailleurs 🤣), j’avais définitivement adopté la disposition !

Aujourd’hui encore, je continue de découvrir de nouveaux caractères propres à des besoins spécifiques et ma vitesse de frappe continue de progresser tous les jours.

En 2017, j’ai réfléchi à un clavier qui serait optimal pour moi en me basant sur le TypeMatrix.

Un ami, fan de clavier mécanique m’a fait la surprise de le réaliser sur mesure.

J’ai donc reçu le jour de mon anniversaire mon premier clavier mecanique, étant la concrétisation du projet que j’ai pensé et dessiné à la base !

C’est un clavier basé sur un arduino et donc reprogrammable ! Ça m’a été pratique quelques fois, quand je me rendais compte que ma théorie n’est pas totalement adaptée à mon usage, qui lui aussi évolue dans le temps.

Positif vs Négatif

Après trois ans et demi, si je dois faire la synthèse.
En positif :

  • J’ai gagné en vitesse d’écriture de façon très significative.
  • J’ai découvert la sensation de plaisir en écrivant sur un ordinateur.
  • Écrire en regardant ailleurs ne change pas la vie, mais ça reste un plus.
  • Surtout, je sais que je traumatise beaucoup moins mes mains et espère m’éviter au maximum toute potentielle complication de santé.

En négatif :

  • Je me suis un peu trop habitué au confort de la disposition TypeMatrix, j’arrive très bien à écrire en BÉPO sur un clavier plus ordinaire, mais j’ai toujours le réflex d’aller chercher « entrée » et « retour arrière » au centre…
  • Quand je vais sur un ordinateur en AZERTY, je suis toujours au même niveau qu’à l’époque, voir je cherche les caractères spéciaux qui varient entre une disposition Windows et macOS 😅
  • Je dois expliquer à chaque nouvelle personne qui me demande pourquoi mon clavier n’est pas comme tout le monde (dans mon cas : orthogonal, touches supprimer/entrée au centre et rien d’écrit dessus)
    • puis quand iels remarquent que je ne suis pas en AZERTY, ce qu’est le BÉPO et pourquoi ce choix
    • refaire le discours pour bien différencier qu’un clavier physique et qu’un layout logiciel sont bien deux choses différentes bien que j’ai fait un choix différent de la majorité dans les deux cas.

Vous l’aurez compris, le seul point négatif est le manque de discrétion (oui de ce point de vue-là, c’est raté). La curiosité des gens fait qu’il faut leur expliquer tout ce que je vous ai dit dans l’article ! On m’a déjà un peu pris pour un fou, mais j’espère au moins avoir réussi à les sensibiliser à la question. Je dois avouer par contre ne pas encore avoir réussi à convertir des collègues, mais sur mastodon si ! (Petite victoire personnelle ! 😂)

Pour aller plus loin

Dans cet article je vous ai parlé du périphérique d’ordinateur pour des personnes comportant deux mains de cinq doigts valides…

Je tiens quand même à vous parler de quelques autres formes de clavier qui existent et qui répondent à d’autres contraintes.

Déjà les smartphones, ce sont certes des ordinateurs, mais ils fonctionnent avec un clavier non pas physique, mais virtuel !
Le fait que la majorité des claviers proposés sur ces appareils soit une simple remise à l’échelle de nos claviers d’ordinateur a le mérite de fonctionner, mais comme du passage de la machine à écrire au clavier, beaucoup de spécificités du design ont bêtement été gardées par mimétisme sans profiter de tout le potentiel du changement de technologie.

BÉPO

Il est possible de trouver des claviers BÉPO pour smartphone, mais je ne les conseille pas. Comme dit plus haut, c’est un layout qui s’utilise à l’aveugle et à dix doigts.
Un smartphone oblige à regarder l’écran et à écrire avec les deux pouces.

Par contre il est possible d’installer « Bépo clavier externe » pour brancher un clavier usb à son smartphone avec un adaptateur !
J’aime beaucoup faire ça pour prendre des notes en réunion ou en conférences.

Photo de mon setup de prise de notes en conférence.

Je suis surpris de voir aussi peu de diversité de la part des développeurs, cependant quelques innovations sont à souligner !

Swipe

Pour commencer le « Type with a swipe » qui consiste à laisser son doigt appuyé sur l’écran survolant les lettres voulues les unes après les autres couplé à du machine learning.
De plus en plus de claviers proposent cette fonctionnalité qui est de plus en plus efficace !

MessagEase

Aussi, il existe une réinvention totale de la méthode de saisie sur écran tactile, il s’agit du MessagEase !!

Le clavier est constitué d’une grille de 3×3 touches ; les touches sont donc très grosses. Au centre des touches se trouvent les 9 lettres les plus fréquentes, en périphérie se trouvent les autres lettres.

Peu importe où l’on tape dans la touche, c’est toujours le caractère indiqué au centre qui est interprété. Si l’on veut saisir un caractère en périphérie, il faut appuyer puis glisser dans la direction du caractère souhaité.

Il y a des dispositions optimisées pour de nombreuses langues, mais tout reste reprogrammable !

Capture d’écran du clavier de mon smartphone.

Le logiciel est développé et breveté par ExIdeas et publié pour la première fois en 2002 pour le Palm, il est aujourd’hui disponible pour iOS et Android et c’est celui que j’utilise depuis mon passage à Android en juin 2017 et je ne peux plus m’en passer !

Périphériques accessibles

Enfin, pour les personnes n’étant pas valides de leurs mains, des solutions et expérimentations existent.

L’orbiTouch est une solution proposant la coordination entre le déplacement des deux mains pour choisir une couleur, puis une lettre associée. C’est déroutant aux premiers abords, mais ingénieux quand on y réfléchit !

Un périphérique qui a fait parlé de lui récemment et qui est une réelle avancée sur le sujet venant de la part de Microsoft est leur Xbox Adaptive Controller, à la base pensée pour rendre accessibles les jeux vidéos, mais qui, comme tous les périphériques, peut être détournée pour d’autres usages !

Conclusion

Le meilleur outil, c’est celui avec lequel on est le plus à l’aise. Soyez curieux·se, testez les possibilités et faites-vous la configuration correspondant le plus à vos besoins et à votre corps. Vous gagnerez en productivité, en plaisir d’utilisation et préserverez votre santé !

3 commentaires sur cet article

  1. Samuel, le lundi 23 décembre 2019 à 13:21

    Super article ! Je suis content que quelqu’un ait fait toutes ces recherches à ma place :)

  2. MathKimRobin, le samedi 4 janvier 2020 à 13:32

    Merci de ce « résumé » plus proche de l’état de l’art que du résumé ! Ça donne envie de basculer.
    Et si tu veux jouer dans le monde de l’ergonomie et de la discrétion, essaie le bureau debout, tu vas rigoler. 5 ans que j’explique une fois par semaine au bas mot pourquoi, statistiquement, je vais vivre plus longtemps que mon voisin assis parce que je bosse debout (entre autres)

  3. Francis Leboutte, le mardi 28 juillet 2020 à 21:16

    Je lis (et je m’étonne) : « En 2002, Francis Leboutte créé un DVORAK FR, aussi nommé DVORAK LEBOUTTE.
    Sa conception reste néanmoins incomplète pour être vraiment pratique et malheureusement, il n’y a aucune source et la licence est propriétaire. »
    C’est lacunaire sinon tout faux, il suffit de lire https://algo.be/ergo/dvorak-fr.html
    Je me demande aussi qui appelle ça « DVORAK LEBOUTTE », pas moi en tous cas.