Est-il encore utile de posséder un site web en 2021 ?

Il paraît que le site web est mort et aurait été remplacé par les médias sociaux, les plateformes de publication de contenus, les interfaces vocales ou encore les applications. Qu’en est-il vraiment ? Est-ce vraiment encore utile d’avoir un site web, à l’aube de 2021 ?

Introduction

Régulièrement, apparaissent sur la toile des articles proclamant la mort du site web.

Les principaux arguments avancés sont principalement les suivants :

  • Depuis le milieu des années 2000, les usages ont fortement évolué, avec l’avènement des smartphones et des médias sociaux.
  • Il n’a jamais été aussi facile de publier du contenu grâce la multiplication des plateformes spécialisées.
  • Diverses plateformes de diffusion de contenu, chacune avec ses codes et contraintes techniques, existent. Il devient donc de plus en plus compliqué, en tant que créateur de contenu, de l’optimiser pour ces différentes plateformes.

Ces constats sont indiscutables. Après tout, si ma cible est sur les réseaux sociaux, pourquoi m’embêter avec un site web ? Déjà en 2016, la société MinuteBuzz faisait le pari de fermer son site web et de ne proposer ses contenus que sur les réseaux sociaux.

Si d’un côté, certains annoncent la mort du site web, d’autres défendent plus que jamais sa nécessité. Je me suis donc posé la question suivante : Que ce soit à titre personnel ou professionnel, est-il encore utile d’avoir son propre site web en 2021 ?

Spoiler pour les impatient·es : oui

Au travers de 5 raisons – très personnelles – je vais vous expliquer dans cet article/plaidoyer pourquoi je pense qu’on a plus que jamais besoin de son « chez-soi virtuel ».

Les intermédiaires, ça va et ça vient.

Cette formule n’est pas de moi, mais de Stéphane Deschamps qui, en 2018, se faisait déjà la remarque qu’« Avoir un site web, c’est (encore) bien ».

Selon les promoteurs de la mort des sites web, il existe un grand nombre de plateformes qui permettent la publication de contenu, la vente de produits et l’animation de communauté, rendant obsolète le recours au site web personnel.

Ainsi, plus besoin de dépenser de l’argent pour la création d’un site web, il suffit de se créer un compte sur Tumblr, Medium, LinkedIn, YouTube ou encore Soundcloud et d’y publier son contenu, qui sera alors visible en très peu de temps par des centaines, voire des milliers d’internautes. La promesse est belle et le raisonnement se tient.

Mais que se passera-t-il pour votre contenu, le jour où ces plateformes fermeront1 ?

L’histoire est truffée de services très populaires qui ont cessé leur activité du jour au lendemain, souvent pour des raisons économiques – généralement après un rachat par Yahoo ou AOL , pour des raisons judiciaires ou tout simplement parce qu’un concurrent plus séduisant ou moins cher est apparu.

Sans aller jusqu’à la fermeture, il y aura forcément un moment où vos intérêts et ceux de ces services ne seront plus alignés. Il suffit de lire les témoignages de personnes qui ont quitté Medium pour revenir au blog. Celui de Signal v. Noise (en anglais) étant peut-être le plus emblématique.

Dans le meilleur des cas, vous aurez la possibilité de récupérer votre contenu dans un format exploitable et pourrez le transférer avec plus ou moins de facilité sur une autre plateforme. Mais, le cas le plus probable est que le seul moyen pour vous de le récupérer est de vous y prendre suffisamment tôt pour faire des copier/coller…

Vous faites ce que vous voulez de votre contenu, quand vous le voulez

Avant de continuer, laissez-moi vous parler d’Andrés Iniesta.

Andrés est un père de famille madrilène, amateur de vélo et de nourriture. Comme des millions de personnes, il possède un compte Instagram sur lequel il publie des photos de son quotidien.

Un jour de juillet 2015, alors qu’il est en vacances, Andrés constate qu’il ne peut plus se connecter à son compte et que ce dernier a été fermé, pour infraction aux conditions d’utilisation de la plateforme.

Quelques jours plus tard, des amis lui signalent qu’ils voient apparaître dans leur flux d’actualité des photos d’Andrés Iniesta, la star du football espagnol, alors même qu’ils n’aiment pas le football.

Andrés commence alors à comprendre que son compte a en quelque sorte été « volé » par le sportif, avec l’accord d’Instagram qui a cru que c’était un imposteur.

Sa seule « erreur » : avoir le même nom qu’une célébrité.

Heureusement, l’histoire se termine bien pour lui et il a pu récupérer son compte. Ironie du sort, Andrés raconte sa mésaventure sur Medium (en anglais). Jusqu’à ce que son homonyme se mette à écrire sur cette même plateforme ?

S’il avait publié ses photos sur son site, celles-ci auraient peut-être eu moins de portée, mais il est fort probable que cette mésaventure ne lui soit jamais arrivée.

N’oubliez pas que quand vous utilisez ces plateformes vous n’en êtes pas propriétaire. Comme l’écrit le site Biteable à propos d’Instagram Checkout2 :

Vous ne posséderez pas votre plateforme e‑commerce.

Vous participez à la version e‑commerce d’Instagram et c’est Instagram qui est en charge de ce qui s’y passe.

Votre contenu est moins à la merci d’algorithmes qui changent arbitrairement

Un peu plus tôt, je vous parlais de MinuteBuzz qui avait fait le pari de tout miser sur les réseaux sociaux. Fin 2016, la société se fait également racheter par TF1 qui, en novembre 2019, décide d’évincer les deux fondateurs3.

La raison invoquée ? Une baisse des résultats, provoquée en grande partie par les modifications de l’algorithme de Facebook qui ont donné moins de visibilité aux contenus de MinuteBuzz.

Quand vous misez uniquement sur ce type de plateforme pour publier vos contenus, vous êtes à la merci de changements brutaux d’algorithmes qui peuvent radicalement nuire à votre visibilité.

Vous allez me dire qu’avec un site web, vous êtes à la merci des algorithmes des moteurs de recherches. Certes, mais – à mon sens – il est beaucoup plus facile de les dompter que ceux des médias sociaux, car ils sont mieux documentés et s’attaquent principalement aux contenus de mauvaise qualité.

En outre, s’il est insensé de tout miser sur un service tiers pour publier ses contenus, il l’est tout autant de ne miser que sur les moteurs de recherche pour les promouvoir. De manière générale, c’est rarement une bonne idée de mettre tous ses œufs dans le même panier.

Il n’y a pas tant de compétition que ça

D’après le site Internet live stats, sur les bientôt 2 milliards de noms de domaines recensés, seuls 200 millions sont réellement actifs. Sur ces 200 millions, on compte une immense partie qui sont des petits sites amateurs, ou confidentiels.

Selon moi, l’argument de la trop forte concurrence – souvent avancé pour justifier l’abandon du site web personnel (dans le sens de qui nous appartient) – n’est pas justifié et doit être relativisé.

Globalement, il y a très peu de sites de qualité, a fortiori si vous êtes dans un marché de niche. Il peut donc être assez facile de sortir du lot (à condition d’y mettre un minimum de moyens humains, techniques et financiers).

Même dans un domaine concurrentiel, il y a toujours moyen de tirer son épingle du jeu. Il suffit de voir le nombre d’agences ou de freelances qui vendent des prestations de création de sites web et qui ont un site tout droit sorti des années 90…

Selon moi, il est beaucoup plus facile d’être bien positionné dans les moteurs de recherche que sur LinkedIn ou Medium, pour ne citer qu’eux. Sur ces plateformes, pour être visible, il faut publier beaucoup de contenu, et surtout rentrer dans des cases pour faire plaisir à l’algorithme. Ce qui tend à uniformiser les publications.

Avec un site web, c’est moins vrai. Bien sûr, il y a des bonnes pratiques à respecter (coucou Opquast ou Dareboost), mais ce ne sont pas des obligations.

Parce que le web a besoin de diversité

Imaginez un monde où, pour consulter un contenu ou faire vos achats, votre choix se limiterait à quatre ou cinq services. Même si dans ce monde, ces services sont plus sociaux et respectueux de la vie privée (soyons utopistes !), ça serait triste, non ?

Lorsque Tim Berners-Lee a créé le Web, il a imaginé que chaque internaute qui le souhaite puisse avoir son petit espace personnel, qu’il soit public ou privé. Sa maison virtuelle en quelque sorte (d’où l’invention du terme home page (en anglais)).

À mes yeux, le principal intérêt du web est sa diversité. C’est un espace de liberté et de créativité sans précédent, qui se matérialise par le site web.

Qu’il s’agisse d’une yourte, d’un pavillon dans un lotissement, d’une maison d’architecte, d’un appartement en colocation ou d’un bunker, peu importe. L’essentiel est que votre maison virtuelle soit à votre image et que vous vous y sentiez bien.

Et si vous avez envie de changer la peinture, de bouger les meubles, voire de casser quelques murs, personne ne peut vous en empêcher !

Quelle place pour le site web en 2021 ?

Vous l’aurez compris, je suis fortement attaché à la maîtrise, voire à la propriété, de ses outils de publication de contenu. Il s’agit toutefois d’un avis très personnel, que vous ne partagez peut-être pas.

Les services de publication de contenu sont bien sûr des outils formidables pour les auteurs et autrices débutantes. Tout comme Instagram Checkout peut être une alternative intéressante pour débuter dans le e‑commerce. Il en faut pour tout le monde, et c’est une bonne chose que ces services existent. Toutefois ils ne sont généralement qu’une étape avant d’en revenir au bon vieux site web.

De ce fait, quelle place peut occuper le site en web en 2021 ? La réponse à cette question est très simple et très complexe : cela dépend de votre stratégie. Comme en 2020 en fait…

En revanche, quelle que soit votre stratégie, elle doit prendre en compte le fait que vos contenus ne vont probablement pas être lus, regardés ou écoutés sur votre site web. Il faut donc qu’ils soient accessibles sur d’autres supports, même si à la base ils sont publiés sur votre site web.

C’est en cela que je trouve le principe POSSE (Publish (on your) Own Site, Syndicate Elsewhere) intéressant. Il consiste, comme son nom le laisse supposer, à publier un contenu d’abord sur son site web, puis de le syndiquer ailleurs.

Il vient en opposition au principe PESOS ( Publish Elsewhere, Syndicate (to your) Own Site) qui consiste en l’inverse : un contenu est d’abord publié sur un service tiers (Facebook, Twitter…) puis est syndiqué sur votre site – grâce à l’affichage d’un flux par exemple.

L’image suivante représente de manière visuelle ces deux principes :

Source : https://dri.es/to-pesos-or-to-posse.

Le principe POSSE a d’ailleurs fait l’objet d’une conférence à Paris Web en 2019, que je vous laisse découvrir pour en savoir plus.

Conclusion

N’en déplaise à ses détracteurs, le site web n’est pas mort, loin de là ! Au contraire, à mes yeux, son rôle est plus que jamais central pour qui recherche un minimum d’autonomie numérique.

Dans cet article, j’ai listé cinq avantages du site web sur d’autre supports de diffusion de contenu. Il en existe probablement des centaines d’autres.

Quelle est pour vous la principale raison d’avoir (ou de ne pas avoir) son propre site web ?


11 commentaires sur cet article

  1. Aline Theou, le mercredi 16 décembre 2020 à 09:42

    Tout à fait d’accord avec toi, ça fait écho à mon article du 14. Je ne connaissais pas le principe POSSE c’est intéressant.

  2. Thibault Jouannic, le mercredi 16 décembre 2020 à 10:58

    Je suis tellement d’accord avec cet article ! Le site personnel est une brique fondamentale du Web.

    Malheureusement, le fonctionnement des plateformes et Gafas n’ont pas grand intérêt à donner de la visibilité aux « petits sites ».

    Il n’y a qu’à voir à quel point les résultats chez Google privilégient la populairé du domaine à la pertinence du contenu.

    Je reste optimiste, j’espère assister à un nouvel âge d’or du blog personnel \o/

  3. individu1671137, le jeudi 17 décembre 2020 à 11:08

    Avec ou sans site web personnel, il est intéressant d’avoir son nom de domaine personnel pour le courriel. Par exemple : brigitte@macron.fr

  4. Epeios, le jeudi 17 décembre 2020 à 16:31

    Et surtout, on peut utiliser les outils et le format que l’on veut.
    J’ai deux sites. Un qui fait office de pense-bête public, qui me permet de saisir des infos à la volée, infos auxquels j’ai alors accès où que je sois. Ce site est en fait un wiki, dont moi seul peut éditer le contenu (on peut utiliser les outils que l’on veut, mais aussi comme l’on veut). L’autre, qui est le site officiel d’une bibliothèque logicielle que je développe, et dont je rédige tranquillement le contenu sur mon ordinateur, en Markdown, parce que c’est le format que j’ai choisi, et que dont je publie le contenu grâce à un script de mon cru.
    À un moment, j’hébergeais aussi mon propre blog, dont je publiais un résumé de chaque billet sur LinkedIn, Twitter et Facebook, avec un lien sur le billet de mon blog ; en fait, je faisais du POSSE sans le savoir…
    Par contre, je publie des vidéos sur YouTube (et PeerTube), car héberger sa propre plateforme vidéo, c’est quand même coton. Mais c’est aussi une forme de POSSE, puisque le but est de ramener les spectateurs sur mon site.
    En tout cas, heureux de voir que je ne suis pas le seul à résister aux réseaux sociaux…

  5. Yannick, le jeudi 17 décembre 2020 à 20:00

    Bonsoir,

    Comme tu le dis les réseaux ne m’appartiennent pas et je ne peux contrôler ce qui est fait.

    Il y a un argument qui est aussi que le contenu ne peut aller dans tous les contenants. Une base de données n’ira jamais sur les réseaux hormis pour y signaler sa présence. Je suis incapable d’imaginer mon site sur les réseaux sociaux hors d’une simple information de sa présence pour répondre à tel ou tel besoin.

  6. Alain L., le jeudi 17 décembre 2020 à 22:11

    « C’est un espace de liberté et de créativité sans précédent, qui se matérialise par le site web. »
    Voilà la raison fondamentale, le site est un prolongement de mon travail d’écrivain, une manière de faire connaître « ma manière » et de livrer tout ce qui me vient de formes relativement courtes – poésies, aphorismes, articles au propos littéraire, politique ou inclassable – tandis que je travaille à des formes longues, notamment des romans.

    C’est aussi un mode de contact avec des lecteurs, et dommage que, comme vous le soulignez, il y ait une sorte d’obsolescence qui s’affirme. Le site web vire périmé, surtout pour l’écrit, supplanté qu’il est dans les imaginaires par l’image, dépassé par la vitesse du surf qui interdit de lire, ou presque, et de commenter a fortiori.

    Enfin, c’est aussi une sorte de moyen de combattre la frustration de ne pas retrouver d’éditeur, dans mon cas, depuis quelques années. Ce qui meriterait d’être explicité plus longuement, en termes de liberté, de valeurs, et du spécificité de ce qu’on écrit, qui n’est pas forcément dans la « ligne éditotoriale marchande » qui règle à peu près tous les éditeurs, consciemment ou inconsciemment. Voir la recherche d’écrits au genre bien défini, de thématiques porteuses, d’altérité point trop acérées, etc…Heureusement, quelques revues prennent des nouvelles, ou autres, et je trouve chez elles, je pense notamment à une revue du grand est, un état d’esprit, une complicité élective qui me réconforte.

    Quoiqu’il en soit, je n’ai pas pour le moment pas l’intention de renoncer à ma maison pixelique, sauf si j’y suis contraint par les finances où par quelque vilain coup du destin, auquel je peux commencer à penser, l’age aidant.

  7. Lugdanum, le jeudi 17 décembre 2020 à 23:11

    Merci pour cet excellent article, je suis complètement d’accord et en phase avec toi !

  8. Sam, le vendredi 18 décembre 2020 à 11:26

    J’ai mis mes blog (un de photo et un technique) sur un petit raspberry-pi a la maison, avec une static IP « dynamique » de Free (mais qui en fait ne change jamais), j’ai aucun soucis et je ne paye pas grand chose..

    mais bon faut s’y connaitre et pas pour tout le monde…

  9. Charlie, le lundi 21 décembre 2020 à 12:57

    Un très bon et très synthétique article sur la nécessité des sites web personnel.
    Je pourrais rajouter à l’argumentaire les sites dont le sujet n’est pas accepté par « Les standards de la communauté ». Standards qui ont tendances à interdire d’ailleurs de plus en plus de sujet.
    A titre personnel je diffuse de l’information, des podcast et des vidéos sur la littérature érotique, les sextoys et les sexualités ludiques. 3 sujets interdits ou blacklistés sur facebook, instagramm et youtube même sans pornographie – je me suis fait, par exemple, fermé une chaine youtube suite à un texte érotique de … Guy de Maupassant et oui ! Donc le site web perso est juste indispensable pour préserver et maintenir l’accès au contenu

  10. Yume, le vendredi 19 mars 2021 à 15:06

    Cet article est très véridique.

  11. Yume, le vendredi 19 mars 2021 à 15:09

    D’autres raisons sur http://www.yume.ci/blog