Donnez-moi des transports

Week-end à Nantes. J’arrive à la gare, j’ai envie de voir le fameux Grand Éléphant. En quelques secondes, mon application m’indique qu’il faut emprunter la ligne 1 du tramway, de la gare sortie nord jusqu’à l’arrêt Chantiers Navals, puis marcher cinq minutes.

Mais au fait, comment mon application a connaissance de ceci ? Comment est-ce qu’on modélise des informations de réseaux de transport en commun sous forme de données ? Ces données sont-elles libres d’accès, gratuites, sans contraintes de réutilisation ?

Le Point d’Accès National aux données de transport

Comme les autres pays en Europe, la France dispose d’un Point d’Accès National aux données de transport, où je travaille en tant qu’ingénieur logiciel. Il s’agit d’une plateforme dont l’ambition est de rassembler les données de toute l’offre de mobilité à travers la France : transport public, autocars, trains, vélos et trottinettes en libre service, zones à faibles émissions, réseaux cyclables et bien d’autres.

On y retrouve par exemple : des fichiers ZIP au format GTFS décrivant des réseaux de transports en commun, des fichiers GeoJSON qui constitutent la Base Nationale des Zones à Faibles Émissions, des APIs indiquant les informations trafic à Brest en temps réel, mais aussi une jolie illustration comportant un TGV et un Shiba Inu sur la page d’accueil.

Une plateforme communautaire

La plateforme transport.data.gouv.fr assure le rôle d’intermédiaire entre producteur de données de transports et réutilisateur de celles-ci.

Les producteurs et productrices de données de transports sont les collectivités (métropoles, communautés de communes), les entreprises de transport (BlaBlaCar, SNCF, Dott, Lime, etc.), et les réutilisateur sont principalement des calculateurs d’itinéraires (Mappy, SNCF Connect, Google Maps, Plans d’Apple, Citymapper) ou des services d’études dans le secteur de la mobilité.
Cette liste n’est ni exhaustive, ni restrictive : les données de transport sont diffusées en open data (donnée ouverte), sans condition d’inscription, de paiement ou de contrainte sur la réutilisation de données.

Le Point d’Accès National offre un lieu de rencontre répondant aux attentes diverses : diffuser des données statiques et temps réel, vérifier la qualité de celles-ci par rapport à des standards, visualiser les données disponibles, échanger entre producteur et réutilisateur, cartographier les usages.

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (abrégé par la suite par « ministère des transports ») vise de cette manière à favoriser le développement de meilleurs services d’information numérique sur les déplacements, pour le plus grand bénéfice des usagers. Le vecteur d’une plateforme unique fédère l’écosystème français, facilite la réutilisation de données et permet au ministère des transports de connaître avec précision l’offre de transport et la disponibilité des données associées sur le territoire national.

Un principe de transparence

Le Point d’Accès National s’attache à offrir une information claire, accessible et universelle.

Des indicateurs de qualité sont disponibles pour la majorité des informations publiées. L’information la plus basique à fournir répond aux questions suivantes : la donnée respecte-t-elle le standard associé ? Les informations sont-elles cohérentes ? On valide dans un premier temps la donnée par rapport à un standard. En complément de ceci, transport.data.gouv.fr surveille la disponibilité des données, procède à un archivage des informations référencées, incite les producteurs et productrices à modéliser des données complémentaires, propose des outils de visualisations et un espace de discussion.

Carte montrant des erreurs de vitesses trop importantes entre des arrêts
Exemple d’un rapport de validation d’un réseau de transport en commun. Le fichier respecte la spécification GTFS toutefois des contrôles qualité invitent à vérifier la cohérence des horaires publiés.
Taux de disponibilité au téléchargement d'une ressource par jour
La plateforme vérifie que les ressources sont disponibles au fil du temps. La disponibilité des ressources est un indicateur de fiabilité important, en particulier pour les API temps réel (passages aux prochains arrêts par exemple).
Fonctionnalités qui ont été modélisées dans un fichier de transports en commun du réseau Ginko
La plateforme analyse le contenu des fichiers et indique ce qui a été modélisé dans les données diffusées. Elle incite les producteurs et productrices à renseigner des données complémentaires apportant une plus-value aux voyageurs.
Liste de fichiers de transport en commun publiés dans le passé
La plateforme détecte les changements de contenu et procède à un archivage des données dans le temps. Cette historisation des données permet d’évaluer la qualité des données dans le temps, les différences dans l’offre de transport, la fréquence des modifications et la capacité à fournir des informations toujours à jour.
Carte des vélos en libre service. Le nombre de places disponibles dans chaque station est indiqué.
Visualisation du flux temps réel au format GBFS des vélos en libre service à Lille.
Un message dans une discussion publique témoignant de coordonnées erronées pour la position de véhicules
Un espace de discussion est disponible et permet d’échanger entre producteur et réutilisateur. Le caractère public des discussions responsabilise les acteur, favorise le partage d’informations et assure des corrections de données à la source.

Toutes ces informations sont disponibles sur le site web du Point d’Accès National. Elles sont accessibles sans devoir être connecté, gratuitement et pour tous et toutes. Les outils utilisés sont open source, à commencer par la plateforme en elle-même, codée en Elixir.

Cette panoplie d’outils bénéficie grandement à la communauté. Ces éléments proposés par transport.data.gouv.fr sont par la suite utilisés pour mener des discussions, obtenir des clarifications, des améliorations ou des corrections. Le caractère automatique et universel des outils et la notoriété d’un « .gouv.fr » permet à chacun et chacune d’utiliser ces éléments pour faire progresser l’écosystème.

Infrastructure numérique

Le ministère des transports dispose d’une compétence certaine pour mener des projets d’ampleurs, structurant dans la vie des citoyens et citoyennes : routes, autoroutes, voies ferrées, lignes à grande vitesse, aéroports, voies fluviales, ports, etc.

Avec transport.data.gouv.fr, le ministère des transports complète ses infrastructures physiques massives d’un volet numérique.

Le numérique est une nécessité pour prévoir des déplacements ponctuels. En particulier lorsque ces déplacements lient plusieurs modes de transport dans des endroits inconnus. Les solutions de mobilité existent et un travail conséquent a déjà été réalisé : un réseau a été imaginé, des véhicules circulent, le personnel travaille fort pour transporter des voyageurs et voyageuses. Et pourtant, ceci n’est parfois pas suffisant pour que les personnes empruntent ces solutions : l’absence de données, de leur diffusion ou d’intégration sur des applications grand public nuit à la visibilité et donc à la fréquentation du réseau. Le Point d’Accès National est une solution adaptée pour répondre à ces enjeux d’information voyageurs.

Obligations de mise à disposition, de réutilisation et régulation

Le Point d’Accès National n’est pas un lieu où s’opère un partage joyeux des données où seules quelques entités convaincues publient, échangent, partagent. La production, la diffusion et la montée en qualité de données de transport sont une obligation légale. L’Autorité de Régulation des Transports est désignée pour vérifier l’application de la loi, mener des contrôles et prononcer des sanctions si nécessaire.

La diffusion de données doit être accompagnée d’une utilisation de celles-ci pour toucher le public et produire des effets sur le comportement des usagers et usagères. Un récent décret vient rebattre les cartes et donner un coup d’accélérateur à la réutilisation de données : il instaure une obligation de réutilisation de données pour les calculateurs d’itinéraires.

Au plus tard le 1er décembre 2022, veiller à intégrer l’ensemble des données sur les services de transport réguliers, et à la demande, mises à disposition sur le point d’accès national.

Au plus tard le 1er décembre 2023, veiller à intégrer l’ensemble des données sur les services de partage de véhicules, de cycles, de cyclomobiles légers, d’engins de déplacement personnels, ou sur les déplacements à pied.

Art. D. 1115–19

Les données ouvertes sont un moyen d’assurer la transparence de l’action publique et participe à la vie démocratique. En instaurant une obligation de réutilisation de données ouvertes, on se trouve plutôt dans une logique de régulation. Cette mesure vise à assurer une couverture territoriale optimale, en particulier pour les territoires les moins denses. Cette régulation s’adresse principalement aux acteurs privés proposant des applications de déplacements et vise en particulier à valoriser le travail fourni par le secteur public, organisateur de mobilités.

Avec ce changement, dès lors qu’une structure publie des données de transports sous licence ouverte d’une qualité suffisante et régulièrement mise à jour, les calculateurs d’itinéraires ont l’obligation d’intégrer ces données. C’est un levier efficace pour faire mettre en valeur les services de mobilités et ainsi favoriser le report modal.

Les transports et les émissions de carbone

Se déplacer est un besoin et un droit. Le transport est l’activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre de la France (en 2019, il représente 31 % des émissions françaises de GES). L’utilisation de modes de transports plus vertueux (trains, transports en commun, vélos, marche) est la clé pour répondre à l’impératif de réductions d’émissions. Ceci repose notamment sur le déploiement d’infrastructures, le développement de services, l’accompagnement au changement d’habitudes et à la mise à disposition d’outils pour planifier ses déplacements.

La plateforme transport.data.gouv.fr participe à la réduction des émissions de ce secteur en améliorant la qualité de l’information voyageurs des modes de transports les plus vertueux et en facilitant l’analyse de solutions de mobilité déployées dans chaque territoire.

Plus qu’un site web

Nous avons pu voir qu’un site web tel que transport.data.gouv.fr pouvait être bien plus… qu’un site web. Le Point d’Accès National aux données de transport français est en effet une plateforme communautaire, suivant un principe de transparence, et se reposant sur des outils open source.

Il est utilisé par de multiples acteurs : collectivités, entreprises, gouvernements, régulateurs, particuliers. Il propose des solutions techniques pointues et des outils grand public. Sans vouloir faire office de calculateurs d’itinéraires grand public, il référence les données nécessaires pour favoriser le déploiement de services innovants pour la mobilité de demain : multi-modale, universelle et vertueuse.

En alliant une réglementation ambitieuse, un écosystème, une plateforme numérique et une juste dose de régulation, nous pouvons bâtir une belle infrastructure numérique.