Les promesses de l’intégration de l’UX dans WCAG 3.0 : quelles perspectives ?

À l’ère du métavers et des 1 001 interfaces numériques, une expérience utilisateur positive est le Saint Graal de chaque porteur de projet. Cependant, beaucoup mettent de côté les utilisateurs et utilisatrices en situation de handicap(s), alors qu’ils représentent environ 24% de la population active française.

Ce segment reste donc stigmatisé, dû au manque de représentation et d’inclusivité, alors qu’on voit se dessiner un nouveau monde numérique.

L’accessibilité se doit d’être un point central d’attention, afin de concevoir des expériences positives et inclusives pour tout le monde !


Comme vous le savez peut-être, les « Web Content Accessibility Guidelines », raccourcis en WCAG, sont un ensemble de lignes directrices qui indiquent comment concevoir un contenu numérique accessible aux personnes handicapées. Mais pas seulement ! Un site accessible est aussi plus agréable pour tout le monde !

Elles sont également transposées en France, sous le doux nom de « RGAA » pour Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité.

La version actuelle du WCAG est la 2.1, et une nouvelle version, la 3.0, est en cours d’élaboration.

Mais en quoi est-elle différente au point d’en faire un article ?

Mis à part le changement de version, elle intégrerait une meilleure flexibilité d’interface et une adaptation en parcours utilisateurs. Une véritable opportunité en termes de méthodologie UX !

Kermit la grenouille allongé dans un champs de fleurs
UX designer très heureux

Nous allons donc analyser ensemble comment se dessine le futur de l’accessibilité numérique grâce aux méthodologies UX.


Remettons un peu de contexte et expliquons la méthode actuelle, avant de la déconstruire.

Il existe, sur la version actuelle, trois niveaux de conformités : A, AA & AAA. Plus la lettre A est répétée, plus les demandes sont utiles pour un large spectre de handicaps. Par exemple, pour un critère de ratio de contraste de 4.5:1 pour le texte de cet article (AA), nous imposons plutôt un contraste de 7:1 (AAA).

Pour synthétiser ces différents niveaux :

  • Niveau A – Considéré comme le moins strict. Ces critères de succès sont essentiels pour n’importe quel site. En cas de non-conformités, les problèmes d’accessibilité sont bloquants pour les utilisateurs et utilisatrices impactés.
  • Niveau AA – Les sites respectant les critères AA sont considérés comme « raisonnablement accessibles » pour une majorité de personnes. La plupart des sites internationaux doivent cibler le niveau AA.
  • Niveau AAA – Les contenus numériques conformes à ce niveau sont considérés optimaux en termes d’accessibilité. Cependant, ces critères sont très stricts et pour atteindre ce niveau, il faut respecter toutes les lignes directrices des critères de niveaux A, AA, AAA.

Pour remplir le bingo accessible, il faut respecter les critères se basant sur 4 grands principes :

  • Perceptible
  • Utilisable
  • Compréhensible
  • Robuste

Pour chacun des critères, des recommandations, bonnes pratiques et tests sont définis et doivent être validés. Chaque élément de cette liste est ainsi validé ou invalidé.

En France, nous décomposons ces principes en sections fonctionnelles, listées ci-dessous :

  • Images
  • Cadres
  • Couleurs
  • Multimédia
  • Tableaux
  • Liens
  • Scripts
  • Éléments obligatoires
  • Structuration de l’information
  • Présentation de l’information
  • Formulaires
  • Navigation
  • Consultation

Comme vous le remarquez peut-être, cette structure, tout de même rigide, admet quelques défauts :

  1. Ce référentiel n’est pas adapté à tous les handicaps.
    Exemple : Des personnes ayant des problèmes de compréhension du contenu, pouvant être techniques.
  2. Un site peut ne pas être accessible alors qu’il respecte 100% des critères.
    Exemple : Certains critères peuvent être, avec une certaine largesse, considérés comme non-applicable ou comme charge disproportionnée et constitue donc un frein à l’accessibilité.
  3. Pour certaines législations, notamment française, nous n’avons pas d’obligation de résultat, donc pas de score minimal à obtenir.
  4. Les normes actuelles ne sont pas adaptées pour les technologies en développement comme pour les XR (Réalité augmentée, virtuelle, etc.). Ce qui implique des flous dès la phase de conception et complique la tâche pour les utilisateurs et utilisatrices finaux.
  5. C’est un processus où un parcours utilisateur n’est pas pris en compte. Par exemple, si le site est à 90% accessible, mais que la tabulation clavier n’est pas conforme sur une des pages ou sur un ensemble, alors une personne naviguant uniquement par ce moyen se trouvera bloquée sur l’ensemble du site. D’où cette rupture entre le mécanisme d’accessibilité par page et par type de parcours.
  6. Cela n’intègre pas l’inclusivité sur chaque étape projet, sans une construction de méthodologies rodées.

Pour synthétiser, le standard actuel n’intègre finalement que très peu les utilisateurs et utilisatrices finaux et n’est pas très flexible dès qu’on est « hors-norme ».

Reconstruisons avec les démarches d’expérience utilisateurs !

Malgré certaines améliorations pour l’accessibilité des contenus, ce n’est cependant pas assez. Un changement de paradigme apparaît nécessaire.

WCAG 3.0 introduit l’UX, les parcours utilisateurs et une concentration sur les différents types d’utilisateurs/utilisatrices.

Comme le W3C l’affirme :

« This includes more attention to the needs of low vision and cognitive accessibility, whose needs may not fit the true/false statement success criteria of WCAG 2.x. »

Traduction : [Le WCAG 3.0] inclut une plus grande attention aux besoins d’une accessibilité basée sur la basse vision et sur les aspects cognitifs. Des aspects, de façon générale, n’entrant pas dans les questionnements VRAI/FAUX du WCAG 2.x.

« Better align conformance with the experiences of people with disabilities, and keep in mind that people with different disabilities have different experiences. »

Traduction : « Aligner la conformité du standard avec les expériences des personnes handicapées, garder en tête que différents handicaps impliquent des expériences différentes. ».

L’idée, pragmatique, est de décomposer comme la méthode de design-thinking (qu’on pourrait traduire en plusieurs étapes : Empathie, Définition, Idéation, Prototype et Test) :

Les différentes étapes de la démarche « design thinking » : Empathie, Définition, Idéation, Prototype et Test

  • Empathie : comprendre les besoins de chaque personne concernée.
  • Définition : établir quels critères et parcours utilisateurs sont impactés. Notamment décomposer en parcours utilisateurs pour pouvoir classer les expériences selon un type de persona, par exemple :
    • Authentification
    • Acheter un produit
    • Se déconnecter
  • Idéation : imaginer et ouvrir le champ des possibles en étant davantage inclusif.
  • Prototype : créer des interactions claires, des maquettes et des expériences en prenant en compte les différents personas.
  • Test : pouvoir valider que l’accessibilité est bien présente sur les parcours développés.

Dans ce cadre, si l’accessibilité n’est pas validée sur une ou plusieurs étapes, alors il faudra les revoir.

Plusieurs avantages sont visibles :

  • Le travail au sein d’une équipe peut être décomposé en plusieurs parcours utilisateurs et être géré plus rapidement. L’impact est positif pour les Product owner, UX Designers, UI designers et développeurs.
  • S’assurer que pour chaque processus, l’accessibilité est bien testée et reflète le niveau du contenu global. Et ainsi, des personnes satisfaites utilisant la plateforme !

Note : De façon pratique, les personas pourront être assignés par rapport à des fonctionnalités phares :

  • Vision
  • Ouïe et audition
  • Ensemble de handicaps sensoriels
  • Mobilité
  • Moteur
  • Handicaps physiques et sensoriels
  • Parole
  • Attention
  • Langage et alphabétisation
  • Apprentissage
  • Mémoire
  • Direction
  • Cognition
  • Handicaps cognitifs et sensoriels

Cependant, je tiens à ajouter une remarque sur cette méthode de score : ces lots seront décomposés en scénarii d’usage, avec une notation type 01, en fonction des nouveaux critères donnés par le WCAG. En complément, le WCAG prévoit, sur sa version actuelle, des médailles virtuelles (or, argent, bronze) qui pourront être données pour chaque critère afin de rendre l’ensemble plus pédagogique. Cela permettra également de faciliter la communication sur les progrès de l’accessibilité pour les décideurs au sein de l’entreprise.

Mais qu’en est t‑il de l’adaptation sur différentes interfaces ?

Comme la technologie est en éternel progrès, le standard d’accessibilité pourrait, pour sa version définitive, s’adapter à n’importe quelle interface, actuelle ou future, comme le soulignent les études sur les technologies XR, les bornes interactives, les tablettes tactiles, les smartphones

Petite parenthèse :

  • 💡 XR ou Réalité Étendue : regroupe l’ensemble des technologies en cours à venir qui créent ces environnements et objets virtuels.
  • 💡AR ou Réalité Augmentée : utilise des éléments réels en les superposant à des éléments 3D. Il faudra dans ce cas avoir besoin d’une interface comme, par exemple, son téléphone mobile avec le jeu Pokémon Go (jeu très connu où les joueurs recherchent des personnages numériques dans un univers réel).
  • 💡 VR ou Réalité Virtuelle : immerge les personnes dans un environnement complètement virtuel. Cette technologie peut être utilisée dans le cadre de démonstrations pour la décoration d’une maison ou d’une pièce par exemple.
  • 💡 MX ou Réalité Mixte : Elle prend à la fois les caractéristiques de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle. Cette forme de réalité mélange notre monde réel à des environnements virtuels pour créer une nouvelle réalité. Les utilisateurs et utilisatrices interagissent à la fois avec leur environnement réel et leur environnement virtuel. Ils peuvent interagir physiquement avec les éléments virtuels.

Comment cette nouvelle norme change mon travail quotidien ?

Avec la multiplication des équipes en mode Agile, nous avons besoin de plusieurs choses :

  • Intégrer des User-stories accessibles.
  • Se concentrer, de façon plus globale, sur une approche centrée utilisateurs et utilisatrices sur chaque étape projet.
  • Pour les UX designers et Product owner : Donner des spécifications claires et normées pour intégrer l’accessibilité, à son niveau.
  • Pour les développeurs : Au-delà d’intégrer des attributs liés à l’accessibilité comme les WAI-ARIA, il s’agit de sensibiliser et former les développeurs aux enjeux de l’accessibilité et aux impacts des non-conformités.
  • Pour les testeurs : Être sensibilisé à l’accessibilité et suivre les user stories définies, pour pouvoir identifier les possibles erreurs pour un type de persona. Si les stories sont bien définies, alors le test sera plus facilement automatisable et fréquent.

De façon générale, la sensibilisation à l’accessibilité numérique est importante pour chaque partie prenante d’un projet et doit servir de base à une conception globale et commune, plutôt qu’à un aspect de « pensée à la dernière minute ». En effet, il est beaucoup plus facile d’implémenter les pré-requis d’accessibilité au départ qu’à la fin, en termes de temps, de coût et d’efficience. On peut faire le parallèle avec des infrastructures nécessaires comme des rampes d’accès pour des fauteuils roulants, qui lorsqu’elles sont installées à la fin d’un projet, impliquent des rallonges budgétaires et des études parfois lourdes !

Pour conclure

Améliorer l’expérience utilisateur est un atout majeur de l’accessibilité et l’inverse également !

Effectivement, outre l’audit technique, qui est limité, la qualité de la navigation va ajouter une note organique au site, au PDF ou autre composant numérique. Cela s’adresse ainsi aux concepteurs qui vont devoir s’intéresser dès le début du projet aux thématiques d’accessibilité numérique et intégrer des personas avec un handicap. Les recommandations ne sont plus pensées comme un pansement à la fin d’un audit, mais comme des guides à destination des auteurs d’un projet. L’objectif étant d’accéder à un web 100% accessible pour tout type de personne.

Par ailleurs, par le développement de nouvelles technologies et d’interfaces, il est crucial de résoudre les problématiques d’accessibilité propres à celles-ci.

Nous pouvons aussi remarquer une méthode de réflexion sur des scénarii d’utilisation (ou parcours utilisateurs), qui placent les critères dans un contexte défini par des lots fonctionnels.

Cependant, à cette date, il a été défini que le WCAG 3.0 co-existera avec le WCAG 2.2, ce dernier étant construit avec l’ancienne démarche. Certaines entités pourraient donc être tentées de choisir, par défaut, le WCAG 2.2, plus proche des habitudes. Quelle sera la mouture choisie ?

Cela peut modifier, de façon profonde, les solutions proposées et les fonctionnalités à mettre au point dans la conception d’un site, d’une application, etc.

Avec toujours plus de technologies au cœur de nos vies professionnelles et personnelles, il est désormais essentiel de prendre en compte tous les aspects et les granularités qui les caractérisent : matérielles, techniques, organisationnelles…

Ainsi, malgré le fait qu’elles tendent vers plus d’inclusion, la méthode de notation globale du WCAG 3.0 pourrait faire réfléchir à deux fois les entreprises clientes, qui privilégieront peut-être un accompagnement sur les normes du WCAG 2.2 et non pas celles du WCAG 3.0, au détriment des utilisateurs et utilisatrices finaux.

1 commentaires sur cet article

  1. Anne-Sophie, le 24 décembre 2022 à 9:20

    Merci pour cet article ! Je suis de loin ce nouveau WCAG et tu as mis des mots sur des changements que je n’avais pas encore réalisé.

    Il va encore falloir être patient•es mais j’ai hâte quand même de cette sortie

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