Mon métier ? Rédactrice web senior et j’assume

Je ne suis ni content strategist (stratège de contenu), ni journaliste-rédactrice et encore moins ghostwriter (écrivain fantôme). Je ne pratique pas la rédaction à hautes vibrations ni la création de contenu cosmique. Je n’aspire pas à créer ma propre formation ni à être le mentor de qui que ce soit. Mon métier est la rédaction web et je ne fais que ça, depuis bientôt douze ans. Je suis rédactrice web senior et j’aime ça.

Rédacteur web, cet incroyable métier fourre-tout

Vous aussi, vous avez peut-être une amie, une sœur ou un collègue, qui, à ses heures perdues ou à temps plein, veut devenir rédacteur web. Rien d’étonnant à ça, les métiers du numérique ont le vent en poupe et ça ne date pas d’hier.

Parmi eux, la rédaction web se distingue malheureusement comme une activité facile que chaque personne dotée d’un niveau de français intelligible pourrait occuper à ses heures perdues, sur un coin de table, ou pendant ses trajets en bus.

Le problème dans tout ça ? L’imbroglio cognitif et informationnel créé autour du métier.

Née au début des années 2000, la rédaction web subit encore aujourd’hui les travers du nouveau métier façonné en temps réel par ses acteurs. Le résultat ? C’est parti dans tous les sens. Aujourd’hui, rédacteurs, rédactrices, ghostwriters, storytellers et copywriters se confondent, sans parler des content managers ou des responsables éditoriaux. Vous voyez où je veux en venir ?

Manque de définition ou confusion sémantique, le résultat est le même : une impression de métier brouillon. Trop souvent définie comme secondaire, pour passer au premier plan, la rédaction web donne l’impression de devoir évoluer et se transcender.

En 2022, peut-on être rédactrice web tout simplement ?

Je vous pose la question comme je me la suis posée : rédactrice web, est-ce un métier ? Le genre de métier qui conduit à une carrière ? Si la multitude de rédacteurs et rédactrices déterminés à en proposer toujours plus à leurs clients m’a poussée à m’interroger, le questionnement est aussi venu de rencontres et d’opportunités professionnelles. Voulais-je développer mon aura et accompagner d’autres rédacteurs, ou occuper un poste de chargée de projet ? La question méritait d’être posée.

Deviens formateur et booste ta légitimité numérique

L’idée ? Monnayer son savoir et former les futures générations de rédac’web. Un excellent créneau qui n’empêche pas le rédacteur-formateur, de continuer à pratiquer son métier de cœur, l’écriture au clavier.

Deux avantages indéniables à devenir formateur ou formatrice en rédaction web : se concentrer sur l’enseignement et vendre des dizaines, des centaines ou des milliers de fois, un seul et unique contenu.

Mentor de rédac’ sinon rien

L’idée ? Se tourner vers le mentoring pour mettre à jour son activité. Le principe du mentor, vous le connaissez : comme le formateur, il délivre un savoir technique acquis au fil des années, mais partage aussi avec ses mentorés, une dimension plus spirituelle de l’entrepreneuriat, proche du développement personnel. À l’instar d’un guide, il les invite à marcher dans ses propres pas pour ensuite tracer les leurs.

Mais, parce que l’essence même du mentor par l’univers du web est galvaudée, le sage originel s’apparente désormais à un coach ultra-tendance. Il s’en développe donc de toutes sortes et même de très jeunes, à l’antithèse du titre utilisé.

Stratège en communication ou communicant céleste, après tout pourquoi pas ?

En effet, pourquoi pas ? Les mots ont un pouvoir, persuasif, commercial ou poétique, c’est selon… Les imaginer guerriers ou guérisseurs n’est alors pas un problème. Je propose moi-même dans ma bio Twitter, des « élixirs de visibilité sur devis ». Et oui, j’en suis convaincue, les mots sont magiques.

Bien sûr, chaque professionnel·le du web mène sa barque comme il ou elle l’entend, propose plusieurs services en parallèle ou choisit d’évoluer avec le temps, vers un autre métier, complémentaire ou non. C’est même passionnant, ça casse la monotonie et demande souvent un véritable dépassement de soi.

Le problème que je soulève ici relève plutôt de l’injonction : de celle que l’on adresse plus ou moins, à ceux qui n’ambitionnent rien d’autre que de s’ancrer dans leur pratique pour pouvoir mieux la développer. Depuis onze ans, je suis « uniquement » rédactrice web. Les années passent et je suis OK avec ça. Je m’apprête pourtant à entamer une seconde décennie depuis le lancement de mon activité de rédaction freelance. Or, les médias, les recruteurs et les études publiées sur le sujet, nous informent que les années qui passent ne semblent en rien favoriser la condition du rédacteur web indépendant, comme c’est le cas pour tant d’autres professions.

La question de l’âge dans le milieu professionnel

Dressons une parenthèse à propos de l’âge au travail. Dans la plupart des milieux professionnels, l’âge présente un réel impact sur « l’employabilité » (mot déshumanisant s’il en est) des personnes. Si les Français travaillent de plus en plus longtemps, les « vieux » au travail sont les moins nombreux. Un rapport de la Dares (PDF, 515 Ko)  indique ici que le taux d’emploi des 60–64 ans n’était que de 35,5 % fin 2021, pour un taux de chômage sur la même tranche d’âge, de près de 7 % et un âge moyen de départ en retraite toutes catégories confondues et hors retraites anticipées, d’un peu plus de 63 ans.

À noter : le salarié senior (à partir de 50 ans selon l’INSEE et 55 ans selon Pôle Emploi) et le profil freelance senior sont deux personnes très différentes. C’est ainsi que l’on peut voir des salariés seniors (expert par leurs années d’expérience et leur carrière) se reconvertir et changer de statut après 50 ou 60 ans. En France, ils seraient plus de 500 000 à cumuler emploi et retraite, notamment via le statut de micro-entrepreneur.

Qu’en est-il chez la rédactrice freelance comme moi ? En 2020, l’institut Statista le définit comme plutôt jeune et connecté, en plaçant 49 % d’entre eux dans la tranche 25–35 ans. En comparaison, les 35–45 ans ne sont plus que 20 %. Je refermerai cette parenthèse chiffrée en forme de macro portrait robot du freelance en France, en précisant qu’en 2019, les traducteurs et autres rédacteurs, représentaient pas moins de 13% des travailleurs indépendants.

Stupeur et tremblements

C’est donc en parcourant les sites et les profils des indépendants du monde entier que les questions ont commencé. Souffrais-je d’un défaut d’ambition ? Un manque de compétences était-il à l’origine de mon souhait de n’être « que » rédactrice ? Manquais-je de discernement ? Serais-je indolente ou paresseuse ?

Entre stupeur face à toutes ces incroyables compétences cumulées, et tremblements face à mon âge et à ma monoactivité, il était urgent que je fasse le point.

Alors, la « mono-expertise » en rédaction web : atout ou aberration ?

Car c’est bien là la question. Si, en tant que rédactrice web, j’assume mon métier et sa pratique, aux yeux du web, est-ce suffisant ? À l’aube de 2023, un professionnel du numérique peut-il n’avoir qu’une seule corde à son arc ? Je pense que oui.

En tant que rédactrice web, je suis douée

Avec plus d’une décennie d’expérience à mon actif, une persévérance d’autodidacte, des clients satisfaits dans plusieurs pays à travers le monde et un énorme travail sur moi-même pour faire taire (ou parler moins fort) mon syndrome de l’imposteur, je peux aujourd’hui dire qu’en tant que rédactrice web, je suis compétente. D’aucuns parlent de pertinence, de réelle confiance, d’expertise ou encore de profonde compréhension. Alors, je vous pose la question : pourquoi n’assumerais-je pas de ne faire que ça ?

Persévérer et croire en ses capacités

À l’heure où les multi-potentiels revendiquent leur singularité (je les admire !), j’écris haut et fort que je ne sais faire qu’une seule chose à la fois. Vous assistez par ailleurs à l’effondrement d’un mythe : celui selon lequel toute femme est capable de réaliser plusieurs choses à la fois. Eh bien moi pas ! Du moins pas sur mes heures de travail et pas si je veux les faire bien. C’est pourquoi, si vous êtes comme moi, je vous invite à persévérer, à vous perfectionner et à tendre vers votre expertise.

Pour cela, croyez en vous et en vos capacités. Exposez-les, démontrez-les, démarquez-vous et faites taire votre syndrome de l’imposteur.

Exercer pour soi et cesser de se comparer

À mes débuts sur le web, avant chaque démarche, à chaque initiative, je passais d’abord des heures à scruter la concurrence, à traquer les idées similaires, à comprendre comment elles étaient mises en œuvre et à les mettre en parallèle avec les miennes. Par la suite, j’ai compris que pour avancer, je devais cesser de me comparer !

Oui, d’autres avant vous ont sans doute eu la même idée. Ils l’ont peut-être même mieux exploitée ou mieux présentée. Ce n’est pas grave ! Parce que votre histoire, vos expériences et votre personnalité sont différentes, le résultat lui aussi le sera. À condition, tout de même, d’éviter le plagiat !

S’ancrer et assumer le titre de professionnel⋅le senior

Au fil des années, avec la répétition des procédés, les missions accumulées, les défis relevés et aussi grâce aux clients fidèles (s’ils me lisent, ils se reconnaîtront, merci !), je suis finalement parvenue à m’ancrer dans une sereine stabilité.

Bien entendu, en tant qu’indépendante, je suis consciente que rien n’est jamais gagné, que tout peut rapidement changer, que mon avenir (et mon présent) ne tiennent qu’à ma performance, et que la retraite (!) est encore loin. Mais, je reconnais également que, grâce à ma mono-expertise, la fameuse, j’ai réussi à construire quelque chose. Alors, je lui en suis reconnaissante, et à moi aussi, pour tous ces réveils, tous ces apprentissages, toutes ces remises en question, tous ces jours de congés évaporés et j’en passe.

Grâce à elle, grâce à la rédaction web, j’ai fait des rencontres inoubliables, j’ai tellement appris, je me suis étonnée, j’ai acquis la connaissance de moi-même et je peux respecter la plupart de mes choix et de mes besoins personnels.

Aujourd’hui, je n’ai donc plus peur de le dire, je suis rédactrice web senior et je le reste.