Accessibilité de Combat

Il fut un temps où l’on donnait sa vie pour une idéologie politique. Puis nous sommes devenus de simples bénévoles actifs. Désormais nous nous engageons, mais quand l’occasion se présente, pour une cause qui nous tient à cœur.

C’est quoi le combat ?

Le combat de l’accessibilité

Le combat de l’accessibilité, ce serait militer pour que l’accessibilité numérique soit reconnue par nos institutions.

Par exemple en ayant une loi qui considérerait le sujet, en ayant des moyens qui soient mis en œuvre pour son amélioration. Que les décideurs ne balayent pas le sujet d’un revers de la main en affirmant qu’il n’a aucune importance.

Mais, mais… tout ce que je viens de citer existe, le combat est-il pour autant gagné ?

Pas tout à fait, c’est vrai. Le combat ne peut pas s’arrêter sachant que ce qui existe n’est pas satisfaisant.

Mais alors pourquoi les professionnel·les de l’accessibilité ont souvent une tête triste ?

Pourquoi iels finissent leurs conférences et formations expertes par cette phrase étrange : « C’est une fois que vous êtes en conformité avec la loi, que, seulement, vous commencerez réellement à prendre en compte l’accessibilité. »

Accessibilité de Combat

L’accessibilité de combat, c’est poser cette question en toute situation, et à tout instant.

Si l’obligation légale sur l’amélioration de l’accessibilité est un processus englobant et universel (découle de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne), alors il concerne chacune et chacun de nous, chaque métier quel qu’il soit.

À partir du moment où un organisme doit modifier les appels d’offres, les offres d’embauche, le recueil des besoins utilisateurs, les modèles de conception, les hiérarchies… je ne vois pas à quel moment tout cela devrait ne concerner que celui ou celle qui édite du contenu sur le site web de l’organisme.

Ainsi, pour chaque métier, domaine, activité… il doit exister un discours pour faire comprendre que l’amélioration de l’accessibilité fait partie des considérations quotidiennes de chacun et chacune, non ?

Faites semblant que l’accessibilité numérique n’est pas une préoccupation du quotidien. Suivez la journée de personnes que vous connaissez, puis listez celles qui n’ont interagi avec aucun écran en 24 h. Si vous en rencontrez, listez les services dont cette personne a profité, il y aura au moins un service pour lequel le numérique est présent.

J’entends souvent que pour améliorer tout ça, il faudrait que les services soient écoconçus. Je dis moi : conçus, tout court. Mais en pratiquant l’accessibilité numérique, car c’est bien cette discipline qui prend en compte la diversité des situations.

Mes combats

Lier les référentiels

L’accessibilité n’est pas un sujet parmi d’autres, un badge solitaire dans un logiciel de tests automatisés.

Elle fait partie intégrante d’une démarche plus globale pour l’assurance qualité. Que ce soit la performance web, la sécurité, la sobriété… à partir du moment où un usager interagit avec un système informatique, une problématique de situation de handicap (blocage) va se présenter.

L’obligation légale sur l’amélioration de l’accessibilité est une des plus anciennes et se révèle être assez bien ficelée. Les autres référentiels s’inspirent de ses modalités. On ne va pas se mentir, on est un peu les boss sur cette question.

L’idée est donc de parler des différents référentiels en parallèle. S’immiscer dans des discussions sur les autres sujets ; dès qu’on entend parler accessibilité, on reprécise : « Non, non, c’est pas juste les couleurs », « Non, non, c’est pas juste un référentiel ». Replacer la démarche de l’accessibilité numérique dans le contexte d’autres discussions.

Pour cela, je me sers du prétexte de l’outil de suivi de conformité que je développe : Frago. Je sors de l’accessibilité, je parle d’autres domaines… mais je place le sujet de l’accessibilité.

Commenter sur les réseaux

L’accessibilité numérique sera perçue en fonction de la manière dont elle est présentée sur les réseaux, comme elle prend sa place dans différentes activités que pratiquent les lecteurs et lectrices.

Prenons des sujets aussi variés que : le combat pour la reconnaissance de l’accessibilité, les principes techniques de l’accessibilité, les recours juridiques… si ces sujets ne sont pas évoqués régulièrement dans votre quotidien… devoir appliquer l’accessibilité ressemble à une belle contrainte cognitive.

Nous, les professionnel·les, insistons simplement sur le fait que l’accessibilité numérique est une obligation légale ! À appliquer plus ou moins, comme le code de la route. Présentons des cas d’usages ou comment on peut le prendre en compte au quotidien.

Frago, encore une fois, me permet d’intégrer et comprendre ces contraintes administratives de l’obligation légale dans un logiciel. En communiquant sur le logiciel, j’en profite pour replacer le contexte d’une évolution. Plus ou moins bien, mais je pose des questions qu’on se pose quand on doit pratiquer l’accessibilité numérique.

Interpeller

La partie la plus « casse-gueule ».

J’aime bien aller poser des questions dans des conférences, salons ou assemblées générales d’associations. Il faut faire preuve d’observation, de patience, mais, bien évidemment, n’avoir pas grand chose à perdre.

Je me suis fixé le but que les collectivités de mon petit département considèrent le sujet. J’ai interpellé un sénateur, un assistant parlementaire, le président de la métropole de Lyon,… ça n’a pas toujours été un franc succès.

Je me suis frotté aux conseillers départementaux, j’avais l’impression d’être face à un mur. Mais ils m’ont quand même redirigé vers l’association qui gère les conseillers numériques sur le territoire ainsi qu’une personne chargée du handicap au conseil départemental.

J’attaque de tous les côtés, en essayant de ne pas me faire griller. Aller, on y croit.

Organiser une conférence

Autre fait d’arme. Avoir posé une question à l’assemblé générale de l’association qui gère la maison citoyenne de ma ville.

Ils ont parlé handicap, ils ont parlé exclusion numérique. J’ai pris le micro, j’ai dit : « Vous parlez handicap, vous parlez exclusion numérique ; mais vous ne parlez pas accessibilité numérique. »

Fort de cette intervention, autour de la table du buffet, des personnes viennent vous donner leur avis, en bien – en mal. La directrice de l’association est venue me voir pour me dire : « C’est très juste ce que tu as dit, il faut qu’on avance sur ce sujet ».

Ce à quoi, je lui ai répondu : « Je n’aurai jamais assez de temps pour vous présenter le sujet en profondeur, la meilleure solution est d’organiser une conférence et d’inviter les collectivités. »

Une conférence est en gestation à Bourg-en-Bresse (une Bourkconf) sur un numérique respectueux des citoyens et des citoyennes, sans bullshit. Je vous avoue, que je n’ai vraiment aucune certitude sur son déroulement.

Qu’en penser ?

Est-ce parce qu’on défend un sujet qu’on est légitime ou qu’on le défend de la meilleure manière ? Je ne sais pas.

Ma manière de faire parler de l’accessibilité numérique n’est pas fondamentalement engagée. Je ne remplacerai pas nos porte-drapeaux.

Ce qui me gêne profondément, c’est l’exclusion. Mon intérêt personnel est de réfléchir sur la manière dont on peut appliquer les principes de l’accessibilité numérique pour limiter cette exclusion. Plus généralement, la frustration face à ces outils numériques qui provoquent des oppositions dans notre société.

Qui, sur le terrain, représente une vision d’un numérique social utile aux usagers ?

L’accessibilité de combat, c’est croire que l’égalité citoyenne est fondamentale. On sait que cette égalité est garantie en prenant un compte une multitude de facteurs. Dans une société numérisée, l’accessibilité numérique en fait partie. L’accessibilité numérique est partout, elle concerne tous les métiers et tous les domaines.

Ce n’est pas un choix ou une valeur, mais bien une responsabilité.

1 commentaires sur cet article

  1. Arnaud Malon, le lundi 4 décembre 2023 à 11:39

    Bravo pour cet article !
    J’aime beaucoup l’idée que défendre l’accessibilité, ce n’est pas être engagé ou militant, ce n’est pas un choix ou une valeur (qui me serait propre) mais une responsabilité. Cela change la perspective et la manière d’en parler !

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