Itinéraire d’une LGBTQIA+ dans la tech

Coucou chers lecteurices, j’espère que vous vous portez bien tout au long des 24 jours de web (et que cet article vous trouvera dans le cadre le plus cocooning qui soit). D’ailleurs, si ce n’est pas le cas, prenez donc un thé, un café, un truc chaud, un plaid bref : installez-vous pour ces quelques lignes qui vous donneront à réfléchir au sujet des LGBTQIA+ dans la tech.

Petite introduction : qui suis-je ?

Déjà, procédons aux présentations. Moi, c’est Marcy Charollois et pour me présenter brièvement en contextualisant tout ça, je suis auteure indépendante en social tech et créatrice de ligne éditoriale. Avant cela, j’étais pendant deux ans rédactrice en cheffe de WeLoveDevs, un job board/média à l’intention des devs et des services des ressources humaines. Mon rôle ? Trouver un thème d’animation de chaque support de comm’, tout au long de l’année, via une multitude de sujets à aborder. J’étais la première femme embauchée dans la startup, la première femme racisée et LGBTQIA+. Ça fait beaucoup mais croyez-moi, ça permet d’avoir une ligne éditoriale le plus inclusive possible.

Cela dit, j’avais la sensation d’être seule dans cet écosystème, d’où une série d’articles plus engagés disponibles en ligne, et notamment celui-ci.

Autant vous dire que le sujet que j’aborde en ce jour est l’un des plus touchy que j’ai pu rédiger.
Pour en parler, je m’étais lancée dans un petit tweet qui visait à prendre la température des représentations des LGBTQIA+ dans la tech.
Stupeur effroi et tremblement, résultat pas fou du tout dans les commentaires.
« On a des efforts à faire », « on ne sait même pas si on a des LGBT+ dans la boîte »… Car oui, dans les faits : on se situe comment ? Il est clair que sans l’aide certaine de toute notre communauté tech (j’inclus les ressources humaines, of course) ; je n’arriverais pas à écrire cet article.

Diversité et incarnation, une première réflexion

Pourquoi ? Parce que la diversité est l’affaire de tous. Je pourrais partir du principe qu’il est tout à fait normal que j’en parle seule. Cela pourrait fonctionner. Mais pour le coup, il est difficile pour moi de prendre la parole pour la catégorie que je représente dans la communauté LGBTQIA+, dont d’ailleurs la lettre n’est pas apparente : il s’agit des pansexuels. Oui, oui, je suis pan !

Loin de moi l’idée de vous étaler ma vie, je veux surtout que vous compreniez que mon orientation n’a eu aucun impact négatif sur et avec mes collègues. Aussi, qu’en tant que pan je ne peux pas prendre la parole pour toutes les autres lettres de cette communauté. Cependant, en échangeant avec des développeurs et développeuses, services des ressources humaines, recruteuses et recruteurs et grâce à des témoignages externes, j’ai compris plusieurs choses :

  • il existe des limites à l’inclusion des personnes LGBTQIA+ dans la tech ;
  • ce n’est pas un secteur dans lequel on se promeut ou out facilement ;
  • il existe encore un tas de choses à faire pour se montrer et être safe.

À partir de maintenant, je vais vous délivrer cinq points clés sur mon retour d’expérience quant aux problématiques évoquées ci-dessus. Vous êtes prêts ? Let’s go !

1. Faites de vos initiatives internes un fier étendard

Preuve avec AssessFirst qui s’est positionné sur la question lors de la journée de départ du mois des fiertés (mois de la célébration des LGBTQIA+) via un post très engagé et qui se voulait transparent.
Dans la journée, le post de David Bernard, CEO et Fondateur d’Assess First, a été épinglé sur LinkedIn.

Pourquoi me direz-vous ? Parce qu’il montre à l’extérieur les bonnes pratiques de l’intérieur. Oui, ça paraît bateau mais imaginez un peu : vous êtes LGBTQIA+ et vous savez que telle ou telle boîte est identifiée comme alliée de votre identité. Là où résidait la peur se trouve à présent la possibilité de vous sentir bien. Très bien même.
AssessFirst fait figure d’exception dans cette course à la standardisation de la diversité sur la scène française métropolitaine. Là où les Américains et les Canadiens, elleux, arrivent à nous surpasser depuis un moment déjà. Et je parle bien sûr de la scène tech. Il suffit de voir la communication interne de WeWork pour le comprendre.

D’ailleurs, étant une ancienne du retail, ayant travaillé en boutique comme en siège avec des plans d’animations commerciales, j’ai observé une nette différence. Les communautés LBTQIA+ y sont au contraire reconnues et célébrées. Là encore, je ne dis pas qu’il n’existe pas zéro discrimination, mais franchement : il y a beaucoup plus de visibilité de gay, bi, pan, queer, trans dans la mode et dans le commerce en général, que dans la tech.

En fait, je me pose plusieurs questions : étais-je la seule à Euratechnologies à avoir dit ouvertement que j’étais pan ? Pourquoi n’ai-je pas de souvenirs d’autres personnes qui auraient assumé leur orientation lors de nos soirées ? Et surtout… Était-ce bien nécessaire que j’en parle ?

2. Si les LBTQIA+ sont cachés dans vos effectifs, pensez‑y

Je ne dirai pas son nom, mais un·e de mes collègues était ellui aussi dans la même situation que moi. Le fait que je me out lui a permis de m’envoyer un petit message privé plus tard dans la soirée. « Trop cool, toi aussi tu es pan ? » Incroyable. Je découvrais que je n’étais pas seule dans les effectifs. Encore mieux, j’avais des points communs avec cette personne qui étaient insoupçonnés. Aussi, on a pu parler de comment ma façon de me promouvoir sans honte lui avait permis de le faire aussi auprès de moi.

Voilà pourquoi, et je le précise, les témoignages me le confirment, il existe bien plus de diversité dans la tech que l’on ne le pense. En fait, il existe des personnes LGBTQIA+ dans vos effectifs et vous ne le soupçonnez pas, tout comme moi d’ailleurs. Alors ce constat, petit miracle, grand moment ou désolation ?

Il y a plusieurs dimensions à vivre quand nous sommes dissimulés ainsi. Pour ne prendre que mon exemple, il n’était pas rare que lorsque je faisais la connaissance de nouveaux auteurices, contributeurices du blog de WeLoveDevs et qu’on en vienne à parler de sujets plus personnels, on parte du principe que je suis hétéro.

« Tu as un copain ? » ; « Comment s’est passé le confinement avec ton conjoint ? » En soi, ce ne sont pas des phrases méchantes ni même trop dérangeantes pour moi parce que oui, encore une fois, je suis pan. J’ai un potentiel énorme à être attirée par la personnalité des garçons et ainsi, retomber, en apparence, dans un schéma normatif.

Mais j’aurais très bien pu être en couple avec une fille ou une personne intersexe. Et ça, personne n’y pense. C’est bien là où se situe la petite cassure qui fait mal parfois. Il faut encore préciser, expliquer, faire entendre que non, je ne suis pas forcément avec un homme. Et si j’avais été lesbienne ? Ou même bi ?

3. Faites preuve de bienveillance face à la diversité de vos collaborateurices

Petit aparté très corrélé : un de mes collègues m’a demandé lors d’un café virtuel vendredi dernier comment se passait ma vie privée et a dit « hommes et femmes » pour préciser mes intérêts. Cela paraît anodin, mais pour moi, ça voulait dire beaucoup. Je le remercie d’avoir fait preuve de cette délicatesse qui m’a fait sourire sincèrement et m’a fait du bien, en fait.

Personnellement, quand ce type de sujet vient à moi je n’hésite pas à dire « ton ou ta conjointe » de manière à faire comprendre à mon interlocuteur que son choix, pour moi, n’a pas d’impact. Je ne le range pas d’office, par son genre apparent, dans une identité sexuelle et romantique normée. D’ailleurs, c’est bien parce que je ne le sais pas, parce que je ne présuppose pas que je me permets d’aborder la chose de cette manière. Après, il convient de faire un travail de détricotage de beaucoup de schémas que nous avons nous-même normalisés pour parvenir à cela. Je sais, c’est difficile mais il faut le faire.

Pourquoi ? Nous sommes en 2021 et j’ai vu, suite à la mise en avant du post de David Bernard par LinkedIn, les premiers commentaires nauséabonds faire une apparition sous mes yeux. « Il existe tout un mois pour mettre en avant cela ? Pour moi, c’est de l’ordre du trouble psychiatrique. »

Merci, mais non. Votre pseudo-science n’apporte rien de bon pour les humains que nous sommes et, pire encore, participe à toute l’invisibilisation des LBGTQIA+ au travail et dans la tech. La réponse apportée par David a été d’une justesse incroyable.
Elle a aussi mis en avant la question d’identité de genre chez les collaborateurices et l’intérêt de bien comprendre les enjeux des personnes intersexes. Une réponse comme celle de David, avec un tel post, c’est ce que j’aimerais voir plus souvent en fait. Personnellement ça m’a fait du bien de ressentir enfin de la compréhension là, dans ce champ de bataille de l’ignorance.

4. Pinkwashing, LGBTQIA+ et wokisme : quel intérêt pour 2021–2022 ?

Ce que je comprends aujourd’hui, c’est que ce fait social est encore en construction en France. J’ai beau m’y intéresser, accompagner des jeunes LGBTQIA+ au quotidien, avoir réalisé par le passé des actions de communication qui visaient à soutenir des assos LGBT+, j’ai toujours peur qu’on croie que tout cela n’a qu’un seul but : le pinkwashing. C’est pourquoi j’avais fortement sollicité la communauté. Afin de retirer un substrat qui ne soit pas bancal. Ce n’est pas une chose simple et je crois qu’il faut co-construire la vision de demain. La visibilité de ces communautés ensemble. Lutter contre les biais de tout genre et cesser les micro-agressions. Sortir du postulat hétéronormé. Sortir du logo arc-en-ciel. Aller plus loin et se poser les bonnes questions pour accueillir les plus belles réponses ! Et permettre à certains·taines d’aborder leur orientation sans honte ni peur.

5. Pourquoi c’est un sujet important ?

Parce que le pinkwashing, c’est facile. Parce que n’importe quelle boîte peut solliciter un·e communicant·e comme moi pour lui dire de coller des cocardes bariolées sur tous les supports. Et ça, ça m’énerve. Il faut vraiment viser l’incarnation de ses idéaux et ne pas croire qu’un petit pin’s, un petit post sur les réseaux sociaux feront l’affaire. Encore une fois, mon métier passe pour un métier d’abruti parce que les communicants ne se posent pas les bonnes questions et n’osent sans doute pas pousser la réflexion plus loin.

Aussi, parce que tout cela est politique ! Il suffit d’aller dans certains pays pour le comprendre (dois-je parler d’extermination et de peine de mort?). Et même, juste en France : combien de personne LGBTQIA+ se sont fait agresser en faisant des sorties anodines, comme aller au travail ? Chercher ses enfants à l’école ? Boire un verre en afterwork ?

Oui, la masculinité toxique pique, blesse, voire tue.

Voilà, je pense que cet article n’est qu’une brique parmi tant d’autres. J’espère cependant qu’il cristallise, au-delà d’une pensée et d’une observation, une véritable réflexion sur l’avenir des communautés dans la tech. Et qu’il vous communiquera l’envie d’entreprendre, d’œuvrer pour que le bien l’emporte, surtout à l’ère de la bienveillance.

Sur ce, je vous quitte mais je reste dispo pour échanger en commentaires ! Et vous l’aurez compris : wokiste je suis et je crois bien, le resterai.

P.-S. : merci à tout celleux qui me font confiance dans la tech, qui ont osé faire leur coming out pour se sentir moins seuls. Merci d’avoir eu ce courage. Merci d’inspirer d’autres à stopper tout un système de micro-agressions du quotidien.

1 commentaires sur cet article

  1. Quelqu'un qui n'a pas le courage de révéler son identité, le dimanche 19 décembre 2021 à 08:56

    Bonjour,

    Pour quelqu’un qui ne se sent pas concerné par ce type de problématique (comprenez par là homme blanc parfaitement éthéro), le terme LGBT+ commence à devenir incompréhensible. ON y rajoute sans cesse des lettres, et du coup on s’y perd.
    JE vais sans doute passer pour un idiot ou un inculte, mais j’estime que bien comprendre est une première étape importante vers l’inclusion. Pouvez-vous éclairer ma lanterne ?

    Pardonnez-moi d’avance les raccourcis sans doute mauvais ou approximatifs qui vont suivre, et profitez-en pour les corriger si nécessaire. Dans tous les cas, je ne souhaite offenser personne.

    * Lèsbienne = une famme avec une femme
    * Gay = un homme avec un homme
    * Bi = une personne qui peut être en couple indifféremment avec un homme ou une famme (mais pas transgenre ou non binaire ?)
    * Pan = Une personne qui peut être en couple indifféremment avec n’importe quelle autre personne (y compris transgenre et non binaire ?)
    * Quire = est-ce synonyme de gay ? Quelle est la différence ?

    * Transgenre = une personne qui a changé de sexe, ou dont les sexes physiques et moraux ne correspondent pas
    * Non binaire = une personne qui ne se considère ni comme un homme, ni comme une femme, mais quelque chose entre les deux ou un peu des deux à la fois (façon physique quantique)
    * Intersexe = est-ce un synonyme de non binaire ou pas du tout ?
    * A quoi correspondent le U et le A ?

    Merci d’avance pour vos éclaircissements, je pense qu’ils seront bien utiles à d’autres pour mieux comprendre de quoi on parle.