Comment le web m’a sauvé la vie et m’a propulsé

Je suis chef de projet AMOA. J’ai travaillé sur des projets de migration ou refonte et j’ai encadré des équipes allant jusqu’à sept personnes. Il faut savoir que je n’étais pas destinée à prendre cette voie. Mais alors là, pas du tout !

Tout a commencé lorsque j’avais six ans. Comme tous les enfants, quand on m’a demandé ce que je voulais faire dans la vie, j’ai répondu ce que j’aimais faire le plus : chanter et danser comme Janet Jackson. Après avoir entendu les rires gras de mon frère et vu les yeux écarquillés de mes parents, j’ai compris que ce n’est pas demain la veille que cela allait arriver. J’ai mené ma petite vie d’enfant sans pour autant avoir d’idée précise de mon métier futur. Mes parents ont tenté de me conseiller des professions. Cela avait autant de succès que d’expliquer à un enfant de quatre ans que le McDo, ce n’est pas bon pour la santé, et qu’il devrait manger des haricots verts à la place.

Arriva le collège et les fameux stages d’initiation. Pour nous aider à nous orienter, le collège avait invité plusieurs professionnels dont un expert-comptable. Le jour de la rencontre, nous étions dans un amphithéâtre, toutes les classes de 3e réunies. Les intervenants étaient installés sur l’estrade à côté du pupitre. Le tour de l’expert-comptable arriva. Il se leva, s’installa au pupitre et commença à nous expliquer son métier. Rien de transcendant et surtout rien qui suscitait mon intérêt. L’animateur lui demanda : « quel est votre salaire mensuel ? » Il répondit : « je gagne entre cinq et dix millions de francs CFA environ entre sept mille six cent et quinze mille euros par mois » ( Oui, je vivais à l’époque au Sénégal).

À ce moment, j’ai eu comme une révélation : je vais être experte-comptable ! Bah oui, quitte à devoir travailler toute ma vie autant être bien payée non ?! je l’admets mon résonnement était très simpliste quand j’avais quatorze ans… Mais mes parents étaient contents et avaient validé cette idée donc tout va bien (bah oui ils me payaient une école privée donc je ne pouvais pas faire n’importe quoi).

J’ai donc orienté toutes mes études dans ce sens. J’ai fait mon stage d’initiation dans un cabinet d’expertise comptable puis un bac ES. Me voici donc parée pour faire mes études supérieures en France et à terme brasser mes gros billets. Durant mon cursus universitaire, je me rends compte d’une chose qui a toute son importance : ces cours ne m’intéressaient pas plus que cela. Tu verras ça sera « différent quand tu commenceras à travailler » me disait-on. Alors en bon soldat, j’ai continué ma route. Car après tout, je ne savais pas ce que je pouvais faire d’autre. Et mes parents payaient pour mes études, je ne pouvais pas me permettre de faire n’importe quoi. Mon bac+5 en poche, c’est le moment fatidique ! Je vais enfin entrer dans le monde du travail. Là c’est la douche froide ! C’est la crise des subprimes. Autant vous dire que les offres d’emploi étaient aussi rares que la nourriture dans Koh Lanta. Et le salaire tout aussi bas.

J’ai tout de même réussi à décrocher un emploi dans un cabinet d’audit. De l’extérieur c’était une entreprise prestigieuse et tout le monde ne réussit pas à y entrer ! L’envers du décor est à faire fuir : les activités étaient peu valorisantes, mes collègues étaient des requins prêts à tout pour bien se faire voir, les journées de travail étaient interminables (une journée correcte se finissait à vingt heures). Parfois ça pouvait aller jusqu’à 21h30, tout en sachant que j’étais rémunérée sur une base de sept heures ouvrées par jour. Donc à partir de 17h30, c’était du bénévolat. À tout ceci s’ajoutait un stress permanent. Je n’avais pas de vie, pas le temps d’en avoir une. Le weekend j’étais sur les rotules et ça passait trop vite. Le dimanche à quinze heures, je stressais déjà à l’idée de devoir retourner au travail. Je ne voulais pas continuer ainsi. J’en suis partie.

Après quelques mois dans le domaine bancaire, j’ai été approchée par une SSII. Quand ils m’ont appelé pour la première fois, je ne savais pas du tout ce qu’était une SSII et encore moins pourquoi mon profil les intéressait. Ils m’ont proposé une mission intéressante que j’ai acceptée. Quand elle s’est terminée, mon commercial me proposa d’intervenir sur un projet en informatique où on doit améliorer un logiciel comptable. Il avait du mal à staffer des ressources sachant passer des écritures comptables. Je n’avais aucune idée du fonctionnement d’un projet en informatique. L’informatique pour moi à cette époque se résumait au pack Office, les logiciels comptables / financiers et internet. Mais j’ai accepté car j’avais envie de découvrir. Voici comment j’ai atterri sur mon premier projet en tant qu’assistante à maitrise d’ouvrage comptable. J’ai aimé cette expérience bien qu’elle ait été parfois un défi.

J’ai voulu remettre cela et j’ai rejoint un autre projet informatique. J’ai intégré un centre d’homologation. Ce fut ma rencontre avec le web. Car j’étais en charge de recettes fonctionnelles sur des applications et des sites internet. J’ai commencé en tant que consultante recette avec deux outils dans mon périmètre. Et en quelques années, j’étais le point d’entrée de tout un domaine fonctionnel. J’avais une dizaine d’outils dans mon périmètre et une équipe allant de cinq à sept personnes à encadrer.

J’y ai appris les méthodes de gestion de projet, le management, la gestion de la relation client, l’animation d’équipe… En plus j’aimais ce que je faisais. Humainement je m’épanouissais. Je prenais plaisir à passer des certifications et à me former car je sentais cette envie de progresser. C’était plaisant de travailler sur des nouvelles technologies et de voir l’amélioration que cela engendre sur la vie des usagers. Je me sentais utile !

Vous vous demandez surement pourquoi cet article ? Je voulais montrer que tout le monde a sa place dans le web. Même les femmes. Même quand on n’a pas fait d’études en informatique. Pas besoin d’avoir commencé à coder à l’âge de dix ans avec son cousin dans le garage. Des profils plus traditionnels (profils fonctionnels) y trouvent totalement leur place et y font carrière. J’aime dire que je suis rentrée dans l’informatique par la petite porte. Car on m’a recruté pour mes connaissances dans un domaine et j’ai appris les méthodologies de gestion de projet une fois en mission.

Nul doute que ma carrière est dans l’informatique. Après cette expérience, j’ai continué sur ma lancée et je peux dire fièrement que je suis Chef de projet AMOA. Mon diplôme d’expertise comptable trône fièrement sur mon CV et cela ne m’empêche pas de décrocher des entretiens, bien au contraire. Comme j’aime progresser et m’améliorer, je prépare un Executive MBA « management et transformation digitale » dans une école d’ingénieur en informatique. Je n’ai pas choisi une école de commerce comme la plupart le font car je voulais rester dans le web. C’est ce qui me plait.

Les conseils que je donnerais aux personnes :

  • N’ayez pas peur de chercher votre épanouissement. Ce n’est pas grave de ne pas savoir quel métier on veut faire. L’essentiel est de trouver sa voie mais surtout de s’y épanouir. Personne n’a pensé à me donner ce conseil quand j’avais quatorze ans. On m’a poussé à poursuivre dans une voie prestigieuse aux yeux du monde mais qui me consumait à petit feu.
  • Avec de la curiosité et une volonté d’apprendre, on peut parfaitement évoluer dans son équipe. C’est en m’intéressant aux activités de mes supérieurs, qu’ils ont vu que je souhaitais évoluer et petit à petit ils m’en ont confié davantage. On pense à tort que s’intéresser aux activités des autres voudrait dire qu’on va leur voler leur poste.
  • On n’a jamais fini d’apprendre. Le web est en constante évolution donc il faut s’y intéresser, se former voire s’autoformer.
  • Des formations offrant des reconversions existent. J’ai croisé en missions différentes personnes qui les avaient suivies et sont contentes de leur nouveau métier.
  • On obtient les meilleures augmentations salariales en changeant d’entreprise.

J’ai troqué mon souhait d’avoir beaucoup d’argent contre un épanouissement et le bien être dans ma profession. Toutefois l’informatique paie mieux que la comptabilité (hé, je ne perds pas le nord !). Sinon ma passion d’enfant est toujours là. Je continue de chanter et danser partout où j’en ai l’occasion : sous la douche, à la salle de sport, en soirée et maintenant qu’on est tous anonyme grâce à nos masques, pendant que je marche pour rattraper mon métro ;).

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