Comment une conférence web a survécu pendant 20 ans

Préambule

Cet article n’était initialement pas prévu parmi les cases du calendrier de cette édition. Mais entre annulations multiples et consommation totale de la réserve des sujets de secours, nous avons fait appel à l’une de nos compétences d’équipe d’organisation, acquise au fur et à mesure de nos expériences et du temps : la capacité d’adaptation.

À noter aussi que les contenus de cet article sont en partie issus du lightning talk donné par Luc, le président de l’association, lors de Paris Web 2025.1

Paris Web a 20 ans

Aujourd’hui est une date importante pour Paris Web : c’est notre anniversaire !

Le 19 décembre 2005, la création de l’association « Paris-Web » a été déclarée à la sous-préfecture de Palaiseau.2

Vie et mort du tiret du 6

L’association a été créée avec un trait d’union dans son nom alors que l’événement a toujours été sans trait d’union. Les membres du staff, en particulier celleux chargé·es de la communication, ont longtemps eu à jongler entre ces deux variations de « Paris-Web » et « Paris Web » en devant faire attention à utiliser la bonne forme en fonction du contexte : avec trait d’union si on parlait de l’association, sans si on parlait de l’événement.

Au détour d’une nouvelle déclaration annuelle de l’équipe dirigeante en préfecture, le trait d’union a magiquement disparu du nom enregistré de l’association. Nous avons donc la joie de pouvoir désormais utiliser simplement le nom « Paris Web » quel que soit le contexte.

Pour marquer ces 20 ans, nous allons partager avec vous quelques éléments de la recette de la longévité de Paris Web.

Mais avant ça, nous allons revenir sur quelques épreuves traversées, dont certaines auraient pu signer la fin de l’association.

Un long fleuve (pas si) tranquille

Un départ sur le bon pied

Dès la première édition en 2006, ça commençait fort. Les conférences devaient se dérouler dans une salle mise à disposition par l’entreprise dans laquelle travaillait l’un des fondateurs. Mais à une semaine du jour J, il s’est révélé que la salle n’était pas du tout réservée…

Après quelques sueurs froides et coups de fil, la salle a quand même pu être utilisée comme prévu. L’équipe avait cependant comme contrainte de libérer la place pour 18 heures tapantes, car un événement était prévu en soirée.

Au final, ça l’a fait quand même, mais cet épisode fut précurseur de ce qui nous attendait les années suivantes.

Annulation de dernière minute

On pourrait sans doute faire plusieurs chapitres de toutes les péripéties au fil de chacune des années, mais faisons un saut dans le temps jusqu’en 2018.

Trois jours avant l’événement, l’hôtel que nous avions réservé pour les orateurices et le staff nous annonce qu’il ne peut finalement pas honorer notre réservation car le lieu est en travaux. Panique à bord : on a une cinquantaine de personnes à reloger, comment on fait ?

Heureusement, avec un peu de diplomatie, nous avons pu maintenir notre réservation. Nous avons juste dû nous accommoder du sol en béton brut dans les couloirs. Ce n’était pas si terrible et après coup on en a bien rigolé en se disant qu’on ne pourrait pas faire pire.

On ne peut pas faire pire

Au début de l’été 2019, on apprend qu’on ne pourra finalement pas faire la journée d’ateliers dans l’école prévue. Après plusieurs reports, elle sera en plein déménagement au moment de l’événement. Mais bon, il nous restait encore quelques mois pour nous retourner et trouver un nouveau lieu, ce n’était pas pire que l’annulation de l’hôtel à trois jours de l’événement.

Toujours en 2019, un mois avant les conférences, le lieu censé les accueillir nous annonce que non, finalement, les conférences ne pourront pas avoir lieu dans leurs locaux. Ils ne pouvaient plus accueillir de public tant que certains travaux n’auraient pas été réalisés et ces derniers ne pourront pas être terminés d’ici là. À ce moment-là, nous nous sommes dit que l’annulation de l’hôtel, ce n’était finalement pas si pire…

Nous avons dû complètement revoir toute l’organisation de l’événement, à commencer par trouver un nouveau lieu en quelques semaines alors qu’il faut généralement plutôt une année ; trouver un nouvel hôtel à proximité du nouveau lieu ; revoir toute la logistique pour le traiteur, les stands, la régie vidéo… Bref, nous avons souffert comme jamais.

Cette fois c’est sûr, on ne peut pas faire pire

Nous vous laissons deviner ce qui nous tombe dessus l’année suivante, en 2020 ? Une petite pandémie mondiale bien sûr !

Après la réorganisation de tout l’événement en un mois, nous avons dû cette fois complètement revoir le format pour passer d’un événement présentiel à un événement distanciel. Ça n’a franchement pas été facile, mais nous l’avons fait tout en maintenant le niveau d’accessibilité que le public attend de nous. Nous avons même suffisamment bien réussi pour réitérer la formule en ligne en 2021.

Mais depuis, nous avons définitivement arrêté de dire « on ne peut pas faire pire ».

Pas de pitié pour les croissants

Une autre source de trouble dans l’organisation : la bouffe.

C’est le sujet sur lequel nous recevons le plus de critiques négatives, tous les ans. Et c’est compréhensible, le public a besoin d’énergie pour tenir toute une journée de conférences. Si les repas et pauses ne sont pas en quantité ou qualité suffisante, il y a de quoi entacher l’expérience de l’événement.

Mais il faut savoir que, très souvent, nous sommes contraints de choisir un traiteur parmi une liste imposée par le lieu accueillant l’événement. C’est le cas à l’Institut Pasteur, notamment, où nos conférences se déroulent depuis trois ans.

Cette limitation forte dans le choix du traiteur nous empêche de proposer des options qui nous sont demandées par le public ou que nous souhaiterions proposer.

Ça a été le cas en 2022 par exemple. Alors que nous demandions d’avoir davantage de pièces végétariennes pour le buffet, le traiteur a simplement remplacé des pièces carnées par des pièces de poisson. Car tout le monde sait que le poisson, ce n’est pas de la viande bien sûr !

Cet exemple est une bonne illustration des difficultés que nous pouvons rencontrer pour gérer des demandes qui peuvent être considérées comme simples. Et cela fait partie des nombreuses contraintes dont on n’a souvent pas conscience avant de se retrouver dans l’équipe d’organisation.

Bref, ceci est une liste non exhaustive de faits marquants que nous avons pu traverser au fil des ans.

Pour conclure, nous vous partageons quelques ingrédients grâce auxquels Paris Web est encore là aujourd’hui, selon nous.

Les ingrédients de notre recette

Comme base pour notre recette, nous nous appuyons sur une ligne éditoriale inchangée depuis 2006 : la promotion d’un web de qualité et accessible au plus grand nombre et une volonté affirmée de créer des ponts entre tous les métiers de la chaîne de production web. À cela s’ajoutent quelques ingrédients supplémentaires.

Prise de recul permanente

Un premier ingrédient de notre longévité est que nous n’avons jamais cédé aux sirènes de la mode, tout en essayant de garder une vision prospective des évolutions du web, des outils et de nos métiers.

Un exemple très concret car d’actualité : le sujet de l’intelligence artificielle, qu’on nous vend littéralement à toutes les sauces depuis deux ou trois ans et l’arrivée de ChatGPT.

À l’image de l’effervescence ambiante, nous avons reçu beaucoup de propositions sur ce thème pendant l’appel à sujets et nous en avons éliminé sans peine une grande partie car la plupart de ces propositions étaient trop artificielles.

Mais ça ne veut pas dire que nous ne considérons pas l’IA comme un vrai sujet. Au contraire, nous l’avons traité à Paris Web bien avant que tout le monde ne s’asticote dans tous les sens à ce propos : entre 2017 et 2023, nous avions déjà proposé six conférences traitant directement ou indirectement du sujet.

Volonté d’inclusion de tous et toutes

Un autre ingrédient important est une volonté réelle d’inclusion de tous et toutes.

Si l’accessibilité est au cœur de notre mission, l’inclusion plus largement est un sujet que nous prenons très au sérieux. Même si nous ne sommes pas parfaits et qu’on peut toujours s’améliorer, nous faisons de notre mieux pour lever le plus possible de barrières à l’accès à nos événements.

Et c’est avec un immense plaisir que nous voyons de plus en plus d’événements suivre cette voie et proposer des services d’accessibilité tels que la vélotypie ou la retranscription textuelle automatique.

Organisation rigoureuse

Derrière notre apparence de bisounours plein de bienveillance, c’est surtout une organisation affûtée au fil des années et transmise « de génération en génération » par les bénévoles, qui permet à l’événement de perdurer.

Au long de l’année, les missions sont réparties entre les membres sous forme de « pôles » d’activité principale : les relations avec les orateurices, la logistique des conférences, le développement des applications, la recherche de partenariats… Nous avons aussi des « escouades » pour les activités transverses ou ponctuelles (pour les 24 jours de web par exemple).

Aux jours J, chacun·e a sa partition précise rythmant son activité pour la journée, de l’accueil des auditeurices à la mise en place de l’apéro en passant par le passage de micro ou la gestion du temps.

Quand de nouveaux membres nous rejoignent, iels découvrent souvent avec stupeur l’ampleur du travail qui se cache derrière la scène, avec une liste de pôles et de tâches bien définies, requérant rigueur et professionnalisme de l’équipe dans son ensemble et de chacun de ses membres individuellement.

D’ailleurs, les gestionnaires des lieux que nous occupons nous félicitent généralement pour ces qualités, alors même que nous sommes juste bénévoles et qu’aucune personne dans l’équipe ne fait de l’événementiel. Et nous prenons évidemment ces retours avec une certaine fierté.

Abnégation des bénévoles

Enfin, un ingrédient essentiel de la résilience de l’événement, ce sont les bénévoles qui donnent de leur temps chaque année pour que Paris Web puisse continuer à exister.

Parce que partager et promouvoir des idées et des convictions, c’est bien, mais il faut investir du temps et de l’énergie dans des actions concrètes pour que cela serve vraiment à quelque chose.

Au-delà de l’investissement personnel, les membres de l’équipe doivent aussi être capables de faire preuve de réactivité pour gérer les grains de sable dans l’engrenage qui peuvent enrayer toute la machine. Comme, au hasard, faire face à des annulations d’articles à quelques jours de leur publication.

En bref, cette belle aventure ne serait pas possible sans toutes les personnes qui ont composé, composent encore et, espérons, composeront encore longtemps notre équipe.

Photos des bénévoles de Paris Web, sous le logo Paris Web et le slogan « Design, qualité et accessibilité depuis 2006 »
Portraits de l’ensemble des bénévoles de l’association depuis sa création.
  1. Les vidéos des conférences et des lightning talks seront bientôt disponibles. Retour au texte 1
  2. L’annonce de cette création est ensuite parue au Journal Officiel le 21 janvier 2006. Retour au texte 2

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